Surfant sur le succès du roman et de la série télé, « Game of Thrones » est désormais aussi un jeu vidéo signé Telltale Games, qui avait déjà adapté « The Walking Dead ». Mais, assez indigeste, son premier épisode déçoit un peu.
Allons-nous épargner ou achever cet adversaire ? Nous enfuir ou rester caché derrière un arbre jusqu’à la fin de l’atroce séance de torture qui a lieu devant nos yeux ? Jurer fidélité à la reine Cersei Lannister ou à la femme qui nous emploie ? Voilà le genre de dilemme auquel Game of Thrones version jeu vidéo (le nouveau, en tout cas, car il y en eut un autre, tout à fait recommandable) soumet celui ou celle qui tient la manette et ne sait plus vraiment s’il est joueur ou spectateur – ce qui n’est pas bien grave.
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Des choix cruciaux
Dans les scènes de dialogue aussi, il faudra faire des choix. Jouer les farauds ou s’assumer carpette (Untel « s’en souviendra », nous prévient-on), tenter d’amadouer son interlocuteur – surtout s’il est à la fois armé et accompagné – ou miser sur l’intimidation. Alors, le récit bifurquera, de manière quasi subliminale ou décisive – on le sait rarement avec une certitude absolue –, pour nous laisser après deux bonnes heures sur le terrible cliffhanger qui clôt Iron from Ice, le premier épisode. Rendez-vous en 2015 pour le suivant – la saison en comptera six.
Soyons clair : pour apprécier ces déclinaisons des romans de George R.R. Martin et de la série télé qui en est tirée, il vaut mieux connaître un minimum les œuvres originales. Sinon, il y a de gros risque de ne pas trop comprendre ce dont il est question. Cela ne veut pas dire que le jeu, conçu par les Américains de Telltale Games qui, sur le même modèle épisodique, avaient déjà adapté The Walking Dead (ainsi que le comic book Fables, les films Retour vers le futur et Jurassic Park…), se contente de dupliquer la série.
Un nouveau type de récit interactif
Loin de là : centré sur les Forrester, une famille qui en est absente et que Martin évoque à peine dans les livres, le jeu la complète en offrant un autre point de vue sur certains événements, le tout se déroulant grosso modo parallèlement à sa saison 4. Et si, dans cet épisode, le joueur dirige de sombres inconnus (un écuyer en cavale, le nouveau boss de la maison Forrester et une servante), cela ne l’empêche pas de croiser des stars comme Thyrion Lannister qui, ici aussi, a l’apparence de Peter Dinklage.
Oui, bon, d’accord, mais, alors, Game of Thrones, en jeu vidéo, c’est bien ? Pas autant qu’on aurait pu l’espérer, malheureusement, surtout au vu de ce qu’avaient pu réussir par le passé les développeurs de Telltale. Depuis sa fondation en 2004 par d’anciens employés de LucasArts biberonnés au jeu d’aventure point & click (Monkey Island, Sam & Max…), la grande affaire du studio a été de faire évoluer le genre (dont l’heure de gloire appartient au passé) vers un nouveau type de récit interactif.
Après une alternance de coups d’éclat et de semi-ratages, Telltale semblait avoir trouvé la formule idéale avec The Walking Dead en mariant QCM (les fameux choix, du point de détail au cas de conscience déchirant) et QTE (un bouton s’affiche à l’écran qu’il faut presser rapidement) pour les scènes d’action – pas si loin, au fond, de ce que met en place David Cage dans Heavy Rain ou Beyond : Two Souls.
Bavard et cérémonieux
Avec ce système, les meilleurs moments sont les plus simples, les plus directs : ceux où l’interface se fait oublier, où l’on communie avec l’intrigue, avec les personnages. On s’y croit, on est là-bas et on se fiche complètement que tout ça soit du jeu vidéo ou de la série télé déguisée. Le problème vient-il de l’ampleur du matériau de départ ? Du trop grand respect (ou du fanboyisme) des développeurs ? De la volonté de contrôle de Martin ou de HBO ?
Scènes de combat franchement pénibles
Toujours est-il que cet épisode 1, bavard et cérémonieux, pèse des tonnes, dans son intrigue comme sur le plan ludique. Ses phases de combat (très) assistées se révèlent même franchement pénibles, et il vaut mieux ne pas évoquer le seul moment où l’on croit pouvoir se déplacer librement – sauf qu’en fait non.
Là où le jeu The Walking Dead, surtout dans sa saison 1, touchait à l’os, Game of Thrones en reste pour le moment au gras. Là où, dans le premier, tout finissait toujours par se décider, s’incarner, se transfigurer dans un geste, un mot, un regard, le second donne généralement le sentiment que l’essentiel se joue ailleurs.
Il ne faut peut-être pas désespérer – ce n’est encore qu’un premier épisode – mais Telltale semble avoir un peu perdu son don pour étonner. Peut-être les développeurs auraient-ils intérêt la prochaine fois, histoire de se mettre en danger, à choisir un matériau a priori plus étranger au médium vidéoludique ? Pour rester chez HBO, on leur suggère par exemple True Detective. Ou Girls. Ou Hello Ladies, tiens. Oh oui, Hello Ladies, en jeu, ce serait bien.
Game of Thrones, épisode 1 : Iron from Ice (Telltale Games), sur PS3, PS4, Xbox 360, Xbox One, PC, Mac, iPhone et iPad, de 4,49 € (pour l’épisode) à 27,99 € (saison complète).
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