Gains pour l’économie, enjeux géopolitiques, moral des ménages : on a voulu en savoir plus sur les effets positifs engendrés par une victoire dans un grand tournoi de foot.
On est nombreux à espérer que la France se qualifie face à l’Espagne samedi, franchisse les demi-finales pour finir par remporter le championnat d’Europe de football le 1er juillet prochain. Mais à part nous rendre fiers, que nous apporterait une telle victoire ? Des retombées économiques, un rang plus élevé pour la France dans le monde ou encore un meilleur moral, répondent certains spécialistes. On a voulu en savoir plus sur ces effets positifs engendrés par une victoire dans un grand tournoi de foot.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Bonheur national
Qui n’associe pas France 98 à un souvenir positif ? Sans trop se mouiller, on peut donc s’attendre à ce que le moral des Français soit meilleur en cas de victoire des Bleus en finale de l’Euro. Nicolas Fert, du département opinion de l’institut de sondage CSA, confirme :
Une victoire dans une grande compétition de football peut avoir une influence positive sur deux aspects : le moral des citoyens et l’opinion envers les hommes politiques.
En 1998, la victoire des Bleus avait entrainé un bond de plus de onze points de la popularité de Jacques Chirac et Lionel Jospin, qui avaient chacun pris soin de manifester leur intérêt pour le football. Depuis, les dirigeants politiques apparaissent régulièrement aux côtés des joueurs ou en tribune, comme Nicolas Sarkozy et François Hollande entre les deux tours de la présidentielle pour la finale de la Coupe de France.
Mais l’augmentation du moral des Français n’est pas automatique, ajoute Nicolas Fert. Il faut que le contexte économique et politique le permette. En 1998, la situation économique et politique était assez bonne, et la mobilisation a été forte autour de l’équipe de France.
Effets géopolitiques
Pascal Boniface, spécialiste de géopolitique, a vu dans la victoire de 1998 des « effets positifs sur le rang de notre pays dans le monde ». Remporter un Euro ou une Coupe du monde est-il pour autant d’une grande aide sur la scène internationale ? Pim Verschuuren, spécialiste du sport à l’Institut de relations internationales et stratégiques, relativise :
Pour cet Euro 2010, tout dépendra de l’équipe qui gagne. Si c’est l’Allemagne, l’Espagne ou la France, il n’y aura aucun effet. En revanche, si c’est un « petit » pays comme le Portugal, la Grèce ou la République tchèque, une victoire pourrait agir comme une vitrine pour le pays à l’international. Mais gardons à l’esprit que tout cela reste du sport : la victoire de la Grèce en 2004 n’a pas changé grand chose.
Boost économique
Plusieurs économistes ont fait le lien entre foot et croissance économique. En 2006, dans une étude baptisée « Soccernomics », la banque néerlandaise ABN-AMRO estimait que « sans être à ce point puissants qu’ils puissent transformer une récession en boom économique, les effets macroéconomiques et boursiers d’une victoire en finale de Coupe du monde ne doivent pas être sous-estimés ». De 1970 à 2002, les pays vainqueurs ont ainsi connu en moyenne, selon l’étude, un surplus de croissance de 0,7%, tandis que les finalistes malheureux perdaient 0,3% par rapport à l’année précédente. Une observation ne souffrant que de deux exceptions : 1974 et 1978, années où l’Allemagne et l’Argentine avaient été respectivement sacrées championnes.
Une autre idée couramment admise est celle selon laquelle les victoires et les défaites entrainent des variations boursières. Le Monde citait en 2006 une étude dirigée par des chercheurs du prestigieux Massachussetts Institute of Technology (MIT) et de l’Ecole de management de Norvège montrant que seules les défaites avaient un impact sur les cours de bourse. Les échecs faisant perdre en moyenne 0,38% aux marchés nationaux s’agissant des matchs de poule de Coupe du monde, 0,49% concernant les matchs à élimination directe.
Une autre étude de 2006 montre que les victoires lors de grandes compétitions influent de manière positive sur la consommation, mais que c’est surtout l’industrie du foot qui en bénéficie. En France, après la Coupe du monde 1998, la popularité du foot est ainsi allée croissante, entrainant une augmentation des ventes de tickets pour les matchs de la Ligue 1.
Prédire les chances de victoire
L’analyse la plus souvent admise consiste à dire qu’après une victoire en finale s’ensuit une période d’expansion économique. Et si c’était l’inverse ? Dans leur étude de 2006, les analystes de la banque néerlandaise ABN-AMRO retournaient le problème en affirmant que les performances d’une équipe nationale dépendaient de la santé économique du pays. Ils s’appuyaient notamment sur l’exemple de l’Argentine d’après 1987 dont chaque crise fut suivie de scores décevants de son équipe, et dont le redressement entraina de bons résultats.
Pourtant, à l’inverse de ce que les banquiers prédisaient en 2006, tous les pays ayant dominé le football mondial ces huit dernières années – Grèce, Italie et Espagne – ont gravement souffert économiquement. Il y aurait donc bien un lien entre santé économique et résultats sportifs, mais il serait plutôt à l’avantage des pays en crise, rectifient les analystes dans la version 2012 de l’étude « Soccernomics ».
La France ou l’Allemagne championnes
La banque néerlandaise s’est également prêtée au jeu des pronostics. Se basant sur plusieurs indicateurs comme les succès passés en championnat d’Europe, le classement FIFA ou la condition physique actuelle de l’équipe, elle a désignée l’équipe qui avait le plus de chances de gagner l’Euro 2012 : l’Allemagne. En 2010, la banque avait déjà prédit avec succès la victoire de l’Espagne en Coupe du monde tandis qu’en 2006, elle avait estimé que ce serait soit l’Allemagne, soit la France, soit l’Italie. Les trois équipes s’étaient retrouvées dans le dernier carré.
Mais d’un point de vue strictement économique, ABN-AMRO espère que ce sera la France qui sera sacrée le 1er juillet, y voyant le meilleur moyen de calmer les tensions en Europe. La banque juge en effet essentiel que la contagion de la crise de la dette ne se propage pas au « noyau dur » de l’Union européenne. La France, proche de basculer dans le camp des pays fortement touchés comme la Grèce, le Portugal et l’Espagne, sortirait alors renforcée de cet Euro de foot et redonnerait confiance aux marchés financiers. Il n’y a plus qu’à espérer qu’une défaite des Bleus à l’Euro ne provoque pas l’effet inverse.
{"type":"Banniere-Basse"}