Il y a deux ans, Aladdin Charni décide d’installer dans un squat un restaurant un peu particulier où il servirait les invendus du marché de Rungis. Ce lieu, réhabilité et situé dans le XIXe arrondissement parisien, ouvrira en décembre. En attendant, rencontre avec un homme qui fourmille d’idées.
Au Consulat (Paris IXe), l’endroit éphémère où il a été accueilli en septembre, Aladdin Charni parle vite. Il n’a pas de temps à perdre, travaillant à la renaissance légale, prévue pour décembre du Freegan Pony, un restaurant qui ne propose que des fruits et légumes récupérés.
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« Nous avions une première mouture dans le Marais. Je voulais voir si nous pouvions vraiment sensibiliser les gens. Nous avons eu tout de suite énormément de presse et de monde. C’était une idée un peu folle, sans étude de marché. Nous avons eu au même moment l’opportunité de mettre sur pied un squat, Le Pipi Caca, avec une salle de concerts et une salle d’expos. Nous avons donc décidé de fermer le restaurant et de nous installer dans de meilleures conditions, dans un lieu entre Paris, Pantin et Aubervilliers, sous le périphérique, qui pourrait accueillir le restaurant, des fêtes et des expositions. »
L’ancien squat acquiert donc aujourd’hui un statut légal :«Nous allons passer d’un à dix salariés. Pour quelqu’un comme moi qui viens d’un milieu alternatif, c’est d’une violence extrême. Il y a des papiers que je dois envoyer depuis trois semaines, et je n’en ai aucune envie.»
De plus, la cuisine n’est pas vraiment une passion : «Tenir un restaurant est horriblement dur. Pour moi, l’idée de base était de sensibiliser les gens au gâchis alimentaire. Je récupère dans les poubelles (le freeganisme – ndlr), et les quantités de nourriture jetées sont astronomiques. J’avais même dû lancer ‘les apéros du mardi’ chez moi pour consommer tout ce que je récupérais. Les gens hallucinaient. Je passais mes soirées à expliquer ce qu’était le freeganisme. C’est là que je me suis demandé ce que devenaient tous les légumes jetés à Rungis. Il a fallu convaincre les grossistes du marché, qui n’ont aucune raison de te faire confiance, mais nous avons fini par y arriver.»
En cuisine, il s’est entouré de professionnels : «Nous travaillons avec des chefs depuis le début. C’est une envie et une nécessité. Nous ne voulions pas, comme nous sommes un squat et que nous travaillons avec des fruits et légumes censés partir à la poubelle, servir de la nourriture de cantine. Les gens doivent passer un bon moment et prendre plaisir à manger.» Car Aladdin a une certitude : «Le meilleur moyen de sensibiliser les gens, est de leur faire vivre des expériences.»
Le Freegan Pony n’est donc pas un restaurant comme les autres, d’autant que le prix est libre et les employés volontaires : « Quand on accueille les Parisiens, je leur demande s’ils savent ce qu’est un prix libre. La réponse est souvent ‘non’, ou ‘oui, je sais, on donne ce qu’on veut’. Mais ça n’est pas ça. On donne ce qu’on estime être juste. Pour la réouverture, nous allons mettre une affiche à l’entrée : si tu donnes tant, c’est que tu n’as pas d’argent. Si tu donnes tant c’est que tu trouves ça sympa, si tu donnes tant c’est que tu trouves ça sympa et que tu soutiens le projet. Certaines personnes ont les moyens mais ne donnent rien : c’est le jeu, on ne peut rien leur dire. Mais il faut les guider.»
A terme, Aladdin Charni souhaiterait diversifier sa clientèle : «Au début, elle était vraiment mixte socialement, pas mal de réfugiés sont même venus cet hiver. Nous aimerions beaucoup servir des gens de Pantin et d’Aubervilliers, mais c’est dur. Si nous avons instauré le prix libre, c’est aussi pour les gens des tours, en face. Cette mixité est très importante pour moi.»
Des objectifs qui n’empêchent pas le jeune homme de réfléchir à de nouvelles idées : « Dans l’idéal, j’aimerais ouvrir deux petites structures : l’une bio et l’autre vegan. J’ai aussi comme projet de créer dans chaque quartier parisien des Freegan Frigos, sortes de petites armoires qui seraient incrustées dans des laveries automatiques et qui permettraient de déposer de la nourriture pour les plus démunis. On pourrait faire la même chose avec les vêtements car 12% des poubelles ménagères sont du textile. Souvent, les gens ne savent pas quoi faire de tout ça, ils ont la flemme de chercher, mais si nous installons des points de dépôt dans chaque quartier, ils seraient plus motivés. J’aimerais aussi créer une communauté écolo en Ile-de-France.»
Quelque chose nous dit qu’on n’a pas fini d’entendre parler d’Aladdin Charni.
Plus d’informations sur la Page Facebook de Freegan Pony
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