Ce 17 avril dans « Ce Soir (ou jamais!) », l’économiste et sociologue Frédéric Lordon a débattu avec l’auteur du « Capital au XXIe siècle » Thomas Piketty sur la nature du capitalisme et les moyens d’en sortir. Lordon est l’auteur d’une charge virulente du livre de Piketty ce mois-ci dans « Le Monde diplomatique ».
Deux ans après la parution du Capital au XXIe siècle (éd. Seuil), la somme de l’économiste Thomas Piketty devenue un best seller international, on n’en a pas fini de gloser sur son contenu. Alors que son auteur figure désormais dans les 100 personnalités les plus influentes du Time Magazine, l’économiste Frédéric Lordon, auteur entre autre de La Malfaçon (éd. Les Liens qui libèrent), signe ce mois-ci dans Le Monde diplomatique une charge virulente contre lui. Son titre donne une idée du reproche qui lui est fait : « Avec Thomas Piketty, pas de danger pour le capital au XXIe siècle ».
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L’article de Frédéric Lordon dénote dans le paysage médiatique qui a été unanime pour saluer la qualité et la teneur politique de ce livre. Attentif aux avis à la fois savants et iconoclastes qui s’opposent sur les grands débats contemporains, Frédéric Taddeï les a donc invités tous les deux à débattre dans Ce Soir (ou jamais !) autour de cette question : « Le capitalisme mérite-t-il une bonne correction ? ».
« On cherche en vain les luttes sociales »
S’il lui reconnaît « l’énormité et la qualité du travail statistique », Frédéric Lordon est loin d’être convaincu par l’analyse et les conclusions jugées faussement subversives de Piketty. Sa divergence de point de vue repose dès le départ sur sa définition du capital : au capital comme fortune et comme patrimoine chez Piketty, Lordon substitue le capital « comme rapport social de domination », pour « interroger et contester le capitalisme en son cœur ».
En substance, l’économiste iconoclaste, pourfendeur des « nouveaux chiens de garde » dans le documentaire de Gilles Balbastre, reproche à Piketty de ne pas se prononcer sur les déterminants des inégalités correspondantes à chaque période :
« On cherche en vain les luttes sociales, les grèves générales, le bras de fer du capital et du travail, et leurs conséquences institutionnelles, au milieu des bombes et de la reddition des colonies. […] C’est pourant bien l’issue de ces conflits qui décide des bifurcations du capitalisme », écrit-il dans Le Monde diplo, assumant un point de vue marxiste.
« Marx, mais glabre »
A ces impasses historiques, qui permettraient pourtant de comprendre l’état actuel du capitalisme, Lordon ajoute que l’ambition politique du dernier chapitre, « Réguler le capital », est insuffisante : « La fiscalité s’impose comme l’unique levier résiduel lorsqu’on a abandonné d’agir sur tout le reste », et « on serait bien en peine de d’imaginer quel impôt pourrait se substituer aux frappes massives que requiert l’arraisonnement des structures de la finance libéralisée ». Bref, pour Lordon, le prétendu « Marx du XXIe siècle » est glabre : « Pour le coup, pas un poil qui dépasse ». L’intéressé a pu se défendre dans un débat de haute tenue.
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