Figure de l’extrême droite radicale, défenseur de la Syrie d’Assad et proche de Dieudonné, Frédéric Chatillon a joué un rôle majeur dans la campagne historique du Front national.
Les toutes petites lignes des tracts sont parfois aussi intéressantes que les slogans. Sur les dépliants du Front national distribués en cette période d’élection présidentielle, un numéro, en bas à droite. Ce numéro RCS (Paris B 400 363 198), qui identifie officiellement une entreprise, renvoie à une agence de communication. Pour tous les autres partis, ce numéro de société est celui d’une imprimerie (l’Imprimerie de Compiègne pour l’UMP par exemple).
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Le Front national est le seul parti à faire appel à un intermédiaire officiel entre lui et les entreprises chargées de son matériel de campagne. Ces tracts, dépliants et affiches du Front national mènent tout droit à l’agence de communication Riwal. Parmi les clients de l’entreprise, la fondation Brigitte Bardot, des grosses entreprises de l’agro-alimentaire, des événements culturels, et le Front national. La société est fondée en 1995 par Frédéric Chatillon, ancien dirigeant du GUD, le syndicat étudiant d’extrême droite identifiable au rat noir qui lui sert d’emblème.
Le FN le décrit comme « un simple prestataire de services », Marine Le Pen comme « un ami » connu à la faculté. Un camarade de beuverie, invité aux fêtes de famille. Mais l’ami de la famille joue dans les faits le rôle de conseiller en communication : c’est lui qui a organisé le voyage en Italie de la candidate à la rencontre des nostalgiques de Mussolini, comme le montre le documentaire « La Face cachée du Front national » (Canal +).
Cette proximité avec Frédéric Chatillon peut expliquer l’embarras de Marine Le Pen, lorsqu’il s’agit de s’exprimer sur la Syrie sur les ondes de France Inter il y a deux mois. En effet, le quarantenaire est surtout connu pour défendre ouvertement le régime syrien de Bachar al-Assad. Son agence prend en charge la communication du ministère syrien de Tourisme, il a contribué à lancer Infosyrie.fr, un site de « réinformation » sur le conflit syrien, domicilié à la même adresse et enregistré au nom de Riwal.
(Capture d’écran d’un article du site pixellibre.net)
Il est aussi de toutes les manifestations pro-Assad organisées à Paris.
Marié à une amie d’enfance de la candidate frontiste, Marie d’Herbais, la présentatrice du blog vidéo de Jean-Marie Le Pen, Frédéric Chatillon se rend régulièrement en Syrie et au Liban. Une photo immortalise sa rencontre avec Dieudonné et les Tlass, père et fils, fidèles du régime Assad occupant des postes importants dans l’armée syrienne. On l’aperçoit encore au procès de Dieudonné en 2009 lorsque l’humoriste avait remis le prix de l’infréquentabilité à Robert Faurisson, négationniste notoire. Proche d’Alain Soral selon Droites-extrêmes, il est également un soutien convaincu du régime iranien.
Idéologie et business
Dans le parcours de Frédéric Chatillon, l’idéologie côtoie le business : l’homme d’affaires profite largement du juteux marché du matériel de campagne du Front national. Pour les cantonales 2011, chaque candidat frontiste a reçu un courrier du micro-parti Jeanne fondé fin 2010. Une structure destinée à recueillir des fonds pour le nouveau FN de Marine Le Pen, parallèlement au micro-parti Cotelec, déjà existant mais traditionnellement attaché au nom de son père. Dans les statuts de l’association, le trésorier est Olivier Duguet, un ancien du GUD proche de Frédéric Chatillon. Cette lettre propose aux candidats un kit de campagne pour un montant d’au moins 2500 euros selon les options choisies (tracts sur l’islamisation et/ou l’insécurité par exemple) et une aide au financement par le biais d’un prêt à 6,5%. 500 candidats ont fait appel à ce prêt, pour un kit de campagne fabriqué par la fameuse agence Riwal, puisqu’on retrouve le même numéro RCS.
Chatillon a récidivé avec la présidentielle : le parti frontiste lui a de nouveau confié l’impression de son matériel, auparavant gérée par Fernand le Rachinel. Cet imprimeur, vieux compagnon de route de Le Pen père, a coupé les ponts avec le parti en 2008, pour une sombre histoire d’impayés. Pour la campagne présidentielle de 2007, le FN a consacré 1,6 million d’euros à l’impression de son matériel de campagne (tracts, affiches, etc).
Chatillon, unanimement considéré comme « un bon professionnel », a été chargé pour cette campagne de négocier avec les imprimeries la gestion entre autres des 45 millions de professions de foi. Contacté par téléphone, il confirme volontiers toucher une rémunération « contractualisée » et détaille sa tâche :
« J’ai sélectionné six imprimeries, qui se répartissent dans l’Hexagone. Je dois gérer l’approvisionnement, la qualité du papier et de l’encre. » Il ne comprend pas que son rôle paraisse suspect : « Le FN a officialisé ce rôle d’intermédiaire mais cela se passe de la même manière dans tous les partis. Généralement il y a un imprimeur principal, mais qui redistribue aussi la charge d’impression. »
Sauf qu’au FN, certains n’hésitent pas à lui délivrer le titre de « grand argentier ». Sous couvert d’anonymat, un ancien candidat aux cantonales affirme : « Chatillon gère les comptes du Front via le micro-parti Jeanne, c’est une certitude, mais il est difficile d’établir des preuves matérielles pour le moment. »
L’influence grandissante de Frédéric Chatillon pourrait bien être le grain de sable dans les rouages de la dédiabolisation du nouveau FN de Marine Le Pen.
Laure Siegel
Sources :
La face cachée de Marine Le Pen, Romain Rosso, Flammarion
Le Système Le Pen, Caroline Monnot et Abel Mestre, Denoël
Troisième partie de La face cachée du nouveau Front (Canal +), consacrée à Frédéric Chatillon.
Les nombreuses enquêtes du site Reflexes 1 – 2 – 3 et du blog Droites Extrêmes.
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