“Mediapart” révèle les rapports d’un cabinet privé qui prouvent que le futur député LFI et son journal ont été espionnés à la demande de la multinationale LVMH, entre 2015 et 2016.
Merci patron !, saison 1, épisode 2. Le documentaire réalisé par François Ruffin – à l’époque où il n’était pas encore député – vient de connaître un rebondissement de taille. Mediapart révèle ce 21 mai que le reporter et son journal satirique, Fakir, ont fait l’objet d’une surveillance méthodique de la part de la multinationale LVMH. En cause, l’objet de son film, qui a reçu le César du meilleur documentaire en 2017. Pour rappel, Merci patron ! suivait un couple d’ouvriers du Nord – les Klur – licenciés d’une entreprise sous-traitante de LVMH. Médiatiser cette histoire n’était vraisemblablement pas du goût de Bernard Arnault, le patron du géant du luxe. Celui-ci a été entendu par la police le 17 janvier, dans le cadre d’une enquête visant l’espion Bernard Squarcini (au service de LVMH). Il a simplement déclaré : « Je n’ai aucune information à ce sujet ».
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“Ruffin a désormais une liberté totale dans ses opérations”
D’après les documents et témoignages recueillis par Mediapart, Ruffin et sa team ont donc été surveillés de près de mars 2015 à février 2016, LVMH ayant fait appel à un « cabinet privé d’intelligence économique dirigé par un ancien policier » pour cette mission. Dans une note de synthèse de ce cabinet baptisé I2F, que s’est procuré Mediapart, on peut donc lire : « Le suivi de Fakir depuis ce début d’année, à travers plusieurs réunions internes ou publiques, amène à penser que François Ruffin a désormais une liberté totale dans ses opérations. En effet, E., coordinateur de Fakir, a finalement démissionné à la suite de désaccords avec François Ruffin. C’est désormais J., la compagne de François Ruffin, qui coordonne les action de Fakir« .
Contacté par Mediapart, François Ruffin est resté stupéfait de l’ampleur de l’espionnage : « Ah ouais, quand même ! À l’époque, cette relation sentimentale n’était pas officielle. Tous les membres de Fakir n’étaient pas forcément au courant… »
Le cabinet privé fait aussi état des liens de Fakir avec un groupe de désobéissance civile et s’inquiète des effets de ces relations sur les événements de LVMH. La plaque d’immatriculation de Ruffin a été relevée et un mail qui a circulé en interne à Fakir a également été récupéré.
“Une cartographie de Fakir, c’est ma spécialité”
Hervé Seveno, le patron d’I2F, confirme à Mediapart avoir travaillé sur cette mission : « Il est exact qu’on nous avait demandé une cartographie de Fakir, c’est ma spécialité. Il faut comprendre qu’il existe parfois des groupes activistes qui, sous couvert d’altermondialisme, mènent des opérations offensives. Certains veulent du coup savoir qui ils sont, comment ils sont financés, ce qu’ils prévoient ». Parmi les personnes mobilisés pour surveiller Fakir figure Jean-Charles Brisard, souvent sollicité dans les médias comme expert du terrorisme. Selon la police, c’est Bernard Squarcini, patron des services secrets intérieurs sous Sarkozy, reconverti dans le privé, qui a supervisé cette opération.
En 2016, L’Obs avait déjà révélé que Bernard Squarcini avait envoyé une taupe dans la rédaction de Fakir pour y glaner des documents confidentiels, en vain.
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