Au moment où Ségolène Royal et Martine Aubry s’affrontaient par déplacement interposé en banlieue parisienne, François Hollande était en Algérie. Pas encore officiellement candidat à la primaire du PS mais déjà en campagne.
Jusqu’au bout, le FLN a pourtant manoeuvré pour empêcher la rencontre avec celui qui vient d’être nommé à la tête d‘une commission des sages destinée à préparer le 50e anniversaire de l’indépendance. “Il n’est pas disponible… il n‘est pas à Alger”, avance le FLN qui préfère cantonner Ben Bella au passé, avant d‘essayer de semer les journalistes français dans les embouteillages pour éviter qu’ils ne rendent compte de la visite. Aussitôt, l’entourage d’Hollande prévient les journalistes par sms de faire fissa demi-tour pour arriver à l’heure.
Sur place, l’homme, très grand, accueille avec chaleur François Hollande, ému et impressionné. Ben Bella lui raconte les venues de Mandela qui “venait manger le couscous tous les vendredis à la maison”, la décoration de De Gaulle qui lui a remis en 1944 la médaille de guerre pour faits exceptionnels après la bataille du Monte Cassino, sa saison à l’OM… François Hollande le remercie cordialement après cette heure d’entretien : “Je sais que vous n’en accordez pas facilement”, se plaît-il a souligner avant d’échanger une chaleureuse poignée de main.
« Je fais en sorte de pouvoir être candidat »
Constamment interrogé par les Algérois sur la question de la repentance, François Hollande ne va pas jusqu’aux excuses que certains Algériens demandent.
“C’est la France qui doit le faire. On doit dire que la colonisation méritait d’être condamnée et aurait dû l’être. La gauche doit aussi regarder son passé. En 1956, avec Guy Mollet, elle a perdu une occasion et il faut le condamner. Ça, je peux le faire.” Avant d’ajouter : “Il faut regarder l’histoire pour passer à la suite après 2012.”
2012 justement. Définitivement, François Hollande y pense. A un journaliste algérien qui lui demande comment il a fait pour perdre autant de poids, lui qui n’y arrive pas, Hollande sourit : “Vous n’êtes pas candidat à la présidence de la République !” A chaque rencontre, c’est aussi la première question qu’il pose tout sourire à son interlocuteur : “Vous regardez ce qui se passe en France ?” Algérois dans la rue, élève du lycée français, journaliste d’El Watan lors d’une visite au siège du quotidien… tous y ont droit. Alors quand le socialiste voit la fausse une préparée par le journal à l’occasion de sa visite, “2012, j’y serai”, il ne boude pas son plaisir. “Merci pour l’information, j’ai appris quelque chose…”
Si François Hollande refuse pour le moment d’officialiser sa candidature à la primaire du PS, il ne fait pas mystère de ses intentions d’être candidat. “Je fais en sorte de pouvoir l’être, je me prépare”, concède-t-il assis sur un muret, face à la basilique Notre-Dame d’Afrique. Avant d’esquisser l’ébauche d’un programme en prônant une réforme fiscale d’envergure, une politique en faveur des jeunes, une plus grande justice sociale, la promotion d’un gouvernement économique européen… Et d’insister sur la nécessité d’un nouveau style présidentiel, en réponse à une interview à Canal+ :
“Le temps d’un président normal est venu. Voilà pourquoi j’ai cette manière de faire de la politique. Je ne suis pas là pour régler des comptes, pour coller mes adversaires, pour stigmatiser et encore moins au sein du PS.”
Serein, en somme. Pourtant devant des élèves du lycée français, François Hollande lâche en plaisantant : “Je me suis toujours posé cette question : pourquoi ils ne votent pas tous pour moi ? Déjà comme délégué de classe, puis à Sciences Po, à l’Ena, aux élections législatives… » Pas tous les jours facile, la politique. “Notre stratégie, c’est de faire un pas de côté et d’être complètement décalés par rapport à la compétition interne du PS”, décrypte Stéphane Le Foll.
A regarder les quatre comparses qui sont du voyage, on croirait voir les Dalton ! L’un revient sur l‘histoire du PS qu’il connaît sur le bout des doigts, l’autre embraye et mêle PS et Europe, le troisième s’affaire au téléphone pour finaliser l’agenda. Clope sur clope au bec, ils bossent pour booster la candidature – encore non officielle – de “leur François“.
Marion Mourgue