Sur France Musique, Michka Assayas fait vibrer actualité et passé du rock.Savant et jouissif.
« La musique m’a sauvé la vie.” Quand il parle de rock, Michka Assayas va jusqu’à mettre son existence en question.
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Sans disques, la vie avancerait sur un fil, tiendrait à peu de choses, la littérature ou quelques autres affinités secrètes.
“Ecouter Closer de Joy Division en plein mois d’août les rideaux fermés m’a préservé de la mélancolie”, confesse-t-il, aussi habité qu’un séminariste évoquant son salut grâce à la lecture des textes saints.
Il y a une forme de religiosité dans le rapport que le journaliste et écrivain entretient avec son objet fétiche. Une religiosité peuplée de rituels et d’icônes, mais dépouillée de tout ornement funéraire : Michka Assayas a beau avoir joué à l’historien du rock (il a dirigé le Dictionnaire du rock paru en 2002), il en est resté un contemporain acharné, épargné par la tentation nostalgique des anciens toisant la culture teen du haut de leurs références.
Etranger à l’esprit d’incantation, il a fait du rock son combat, sincère, nécessaire, soucieux de transmettre ses emballements plutôt que de se morfondre dans le formol de souvenirs égotistes.
C’est ce précieux alliage entre le vieux et le neuf qui traverse le discours de Subjectif 21, son émission dominicale (comme par hasard, le rock le jour du Seigneur) qu’il anime sur France Musique depuis fin 2008.
“Subjectif” parce que l’émission ne repose que sur sa voix intérieure, et “21” pour XXIe siècle : en une heure, l’animateur traverse le territoire du rock en long et en large, de haut en bas, d’hier à demain.
L’actualité musicale invite à réécouter les disques dont elle procède secrètement. L’album de Them Crooked Vultures lui donne l’idée d’une émission mêlant “metal, néo-psychédélisme et polyrythmie”.
Des “filles du cru” aux “punks du folk”, des “faux retraités et vrais renaissants” aux “histoires d’amour de Prefab Sprout”, de Vic Chesnutt, “voix hors des ténèbres”, aux Cramps et au rock’n’roll malade, ses thématiques épousent que les explorations intimes de sa carte du tendre musicale.
“Ma programmation reste très intuitive, pas forcément logique.” L’art du télescopage lui tient lieu de ligne directrice : il croise à l’envi tous les styles, du trip-hop à la country en passant par l’indie-rock…
Dans Subjectif 21, le rock étend son territoire pour devenir un lieu d’invention et de renouvellement.
“Je prends en compte une évidence : cette musique a une histoire. Pour quelqu’un de 20 ans, le rapport au rock est équivalent à celui qu’entretenait ma génération au jazz : c’est une musique de vieux.”
Avec le temps, il dit avoir changé sa manière d’écouter la musique : “En vieillissant, j’ai développé un intérêt très encyclopédique pour des formes de musique que je rejetais autrefois ; mon rapport à la musique est surtout aujourd’hui moins intellectuel, plus sensoriel, intuitif, plus organique”, reconnaît-il.
Son statut d’historien aurait pu lui conférer celui de gardien du temple, mais il se méfie de la “culture savante”.
“J’ai toujours fait les choses à l’envers : j’ai commencé par réfléchir et vivre après. Je me suis même mis à faire de la musique avec mon fils.”
Trente après ses premiers papiers, lâchant alors la proie – Normale Sup – pour l’ombre – la critique rock –, la musique reste son salut : l’ombre est devenue sa lumière.
Photo : Renaud Monfourny
Subjectif 21, France Musique, le dimanche à 22 heures
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