Le patron de Charlie Hebdo Philippe Val n’a pas démenti son arrivée possible à la direction de France Inter. Info retentissante ou intox de l’Elysée ?
La rumeur de l’arrivée de Philippe Val à la direction de France Inter, en train de se dégonfler après avoir enflé quelques jours, aura au moins permis à Siné, son ennemi juré, de faire la meilleure une de son jeune hebdo satirique : “Val tragique à l’Elysée, un mort”. C’est dur, méchant, fielleux, du pur Hara Kiri revitalisé. Mais c’est surtout l’indice de ce qui attend Philippe Val s’il occupe le poste que le Tout-Paris médiatique lui promettait le jour où l’on annoncait l’arrivée de Jean-Luc Hees à la tête du groupe Radio France. Comment croire que l’une des plus hautes figures journalistiques d’une certaine gauche morale, humaniste et démocratique, puisse accepter un poste de direction proposé par Nicolas Sarkozy en personne ?
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Malgré la stupeur provoquée par cette nouvelle, beaucoup de salariés de France Inter y crurent la semaine dernière, notamment parce que Val lui-même entretenait l’ambiguïté. Ses premières déclarations restèrent très floues : “Pour l’instant, ce n’est pas à l’ordre du jour (…), si jamais ça arrivait un jour, ce serait une aventure formidable”, répondait- il au site Rue89, laissant ouvertes toutes les hypothèses, surtout celle de son désir assumé de se laisser couronner par le président de la République.
Dans son édito du 8 avril dans Charlie Hebdo, il prit un peu plus ses distances en précisant que les auteurs de la rumeur, “selon laquelle ce serait sur ordre de l’Elysée que sera nommé le directeur de France Inter, démontrent la méconnaissance de la personnalité de Jean-Luc Hees, lequel n’a plus rien à prouver en matière d’indépendance vis-à-vis du pouvoir…” Et Val de conclure : “Après quarante ans d’engagement à gauche, et même si j’étais nommé Premier ministre par le Président lui-même, ce qui n’a que peu de chances d’advenir, je n’en conserverais pas moins mes convictions, qui avec les années, se confondent avec ma vie même.” Soit, mais alors pourquoi avoir laissé croire que le poste l’intéressait ? Le Val se serait-il pris les pieds dans l’aval de l’Elysée ?
Jean-Luc Hees, qui déclarait devant le CSA le 7 avril qu’il “n’était pas dans la situation” de penser encore à cette nomination (ni même de présenter un projet clair et argumenté pour Radio France, d’ailleurs), a-t-il idée des violents coups de griffe qui menacent le patron de Charlie Hebdo s’il devient membre du club des traîtres à la gauche ? Même si Val a l’écorce solide, avec l’expérience de celui qui se prête corps et âme au combat d’idées, ses détracteurs risqueraient de ne plus le lâcher.
Comment pourrait-il se prêter au jeu du pouvoir et endosser la responsabilité de diriger une station pour la dépouiller de sa part la plus frondeuse ? Quid de Didier Porte, Stéphane Guillon, Daniel Mermet, les plus souvent cités parmi les futurs sacrifiés sur l’autel de la reprise en main élyséenne, cautionnée par le label Hees ? Depuis que France Inter s’est séparée en juin 2008 du journaliste économique Jean-Marc Sylvestre, grand ami de Claude Guéant, bras droit de Sarkozy, l’Elysée a la station en ligne de mire et la voit comme un repaire d’ennemis politiques incontrôlables.
Il n’est pas exclu que la fuite, discrètement orchestrée par des conseillers de l’Elysée et révélée sur nouvelobs.com et lepoint.fr, vise à mesurer les réactions qu’elle suscite. Un autre candidat pourrait alors émerger ou l’actuel directeur de France Inter, Frédéric Schlesinger, rester finalement à son poste. On est au moins sûr d’une chose : pour le pouvoir, France Inter a mangé son pain blanc sur la table de l’insolence. Même Jean-Luc Hees a avoué devant le CSA qu’il n’était pas “sûr que les auditeurs de France Inter cherchent l’impertinence”. Suivez mon regard : foin des billets fielleux, voici bientôt venu le temps des billets doux, caressant l’épiderme soyeux du pouvoir enfin tranquillisé. Franchement, qu’irait faire Val dans cette galère ?
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