Traitement sobre et immersion paysagère pour décrire les années de déportation en Nouvelle-Calédonie de Louise Michel, figure libertaire exemplaire incarnée par Sylvie Testud.
Habituée aux rôles de composition, Sylvie Testud est particulièrement réussie en Louise Michel, à laquelle elle ressemble d’ailleurs sur certaines photos. Certes, on aurait pu choisir un autre titre puisqu’on a encore à l’esprit la comédie homonyme de Delépine et Kervern (qui ne parlait pas de Louise Michel mais célébrait son esprit). Le film sortant également en salle (en avril), il sera alors baptisé Louise Michel la rebelle, ce qui ne mange pas de pain.
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Mais ce n’est pas un vrai biopic de la pionnière de l’anarchisme. En effet, il traite exclusivement de son exil forcé en Nouvelle- Calédonie entre 1873 et 1880, sanction de son implication dans la Commune de Paris où elle avait fait le coup de feu contre les Versaillais. Ainsi on fait d’une pierre deux coups. D’une part, on illustre les thèses anti-autoritaires et anticolonialistes de Louise Michel, D’autre part, le tournage exotique en pleine nature calédonienne nous épargne une lourde reconstitution historique.
L’intelligence de la réalisatrice, Sólveig Anspach est, comme par le passé (cf. son Stormy Weather, situé en Islande), de savoir intégrer l’intrigue et les personnages à un vaste décor naturel. Elle ne se contente pas d’une dramaturgie télévisuelle faite de plans rapprochés et de dialogues filmés. Elle ménage des espaces, des plans de paysage, qui traduisent à quel point ce lieu dût paraître étrange pour les communards exilés, quasiment livrés à eux-mêmes et contraints à jouer les Robinson.
Le film reste traditionnel dans sa forme et son concept, jouant pleinement de la voix off, ramenant constamment Louise Michel à son credo libertaire et tolérant. Ce qui est évidemment plus facile à faire accepter à notre époque, où l’on a appris à comprendre, voire à aimer, les différences entre peuples dits primitifs et peuples dits civilisés. L’écueil inverse c’est qu’on a souvent tendance à juger le passé à l’aune de nos mentalités actuelles. Du coup on récrit ce passé en privilégiant les figures dont la sensibilité s’accorde mieux à nos conceptions présentes. Ainsi, Louise Michel fait aujourd’hui figure de parangon de justice et d’humanisme face aux esprits obtus de son temps. On ne va pas certes pas se plaindre, puisqu’on est plus en accord avec ses idées qu’avec celles de ses tortionnaires, les fossoyeurs de la Commune, dont elle fut une des grandes figures), les déistes, les rigoristes, les impérialistes, les réactionnaires, etc.
Ce côté leçon de morale et d’histoire, appuyé par les harangues constantes de la pasionaria (on la voit même parler aux plantes), n’est pas le plus passionnant, car ce sont des évidences pour les Français du XXIe siècle. Mais ce logos convenu est largement compensé par le travail pictural, par le naturel du jeu des acteurs, par les échanges timides entre Européens (éclairés) et Kanaks. Au bout du compte, ce qui retient le plus notre attention c’est la sorte de rousseauisme que prônent et illustrent le film et son héroïne.
Louise Michel de Sólveig Anspach.Samedi 6 mars > 20 h 35 > France 3. En salle le 7 avril
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