Entre harcèlement sexuel et discrimination raciale, les plus graves accusations pleuvent sur Fox News. Le début de la fin pour la chaîne « Trump-friendly » ?
Du côté de Fox News, les audiences accroissent mais les polémiques s’accumulent. Suite au licenciement le 19 avril du présentateur-star et numéro 1 du câble Bill O Reilly, croulant sous les accusations d’harcèlement sexuel, une dizaine d’employés du canal pro-républicain viennent de déposer plainte pour discrimination raciale. De graves accusations visant directement une cador de l’empire Fox. Le scandale de trop pour la première chaîne d’information en continu des Etats-Unis ?
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Plantations et business
Pour cette dizaine d’employés afro-américains, il est temps de dire « stop ». Stop à « l’animosité raciale de longue date » qui jugule la 21th Century Fox. Ces termes, ce sont ceux de Tichaona Brown et Tabrese Wright, deux des voix colériques qui aujourd’hui s’opposent à Judith Slater, ancienne vice présidente de la compagnie. Un dossier à charge constitué le 28 mars pose noir sur blanc « la constante de la Fox ». Soit « l’odieuse, intolérable et illégale discrimination raciale qui a été infligée aux minorités, ce système de management qui s’apparente davantage au champ de plantation qu’à un environnement moderne de travail » lit-on du côté de Business Insider. Les mots ne manquent pas de puissance, à l’heure où un Président fustigé pour son racisme avéré choisit en la Fox son média de propagande.
La « constante » d’une vice présidente, qu’est ce que c’est ? Cela consiste par exemple à demander à ses employé(e)s afro-américains si leurs enfants sont « nés du même père« , ou les inciter à « jouer du beatbox« . Exiger que leurs coupes soient lissées, car jugées « trop afros« . Ou bien encore, censurer un reportage consacré aux manifestations pacifiques et antiraciales de Ferguson, sous prétexte qu’il « présente la population noire sous un éclairage trop positif« . Quand il n’est pas directement question d’inciter les employés « black » à en venir aux mains dans les locaux, sous les yeux d’employées blanches, pratique de lutte amatrice aux vagues relents colonialistes. Jusqu’à son licenciement en février dernier et après vingt ans passés à la Fox, Slater aurait propagé ces trouvailles au fil des bureaux tout en répétant que « les noirs souhaitent nuire aux blancs« .
Intimidation, indécence et misogynie
« C’est consciemment que Fox a abrité et protégé une employée raciste durant huit ans » atteste Adasa Blanco, qui a œuvré au département de la comptabilité de 2005 à 2013. En vérité, les plaintes d’employés à l’encontre de Slater ne sont pas nouvelles – elles datent de 2008. Soumises à Dianne Brandi, chef conseillère de la Fox, elles sont alors vite abandonnées pour une bonne raison : la vice-présidente en « sait trop » quant aux agissements des puissants Bill O Reilly et Roger Ailes, deux « vieux de la maison » accusés d’harcèlement sexuel. On le comprend, à travers le racisme ritualisé et les ramifications hiérarchiques, c’est la Fox misogyne qui se devine, celle de Roger Ailes. Le 6 juillet 2016, l’animatrice Gretchen Carlson attaque l’ancien Président – et créateur – de la Fox pour licenciement abusif. Il lui aurait fait des avances, elle aurait refusé. Une semaine plus tard, c’est la très influente journaliste Megyn Kelly qui à son tour révèle au grand jour les pratiques nauséeuses d’Ailes, qui n’hésite pas à réduire les salaires des employées les plus réticentes. A la fin du mois,l’intéressé finit par claquer la porte dans un parfum de souffre. Après vingt ans d’ancienneté.
"It's a power issue!" @drphil says of sexual harassment, in light of recent scandals at Fox News. pic.twitter.com/hoY8tL5ohR
— The View (@TheView) April 27, 2017
Mais la Fox de Bill O’Reilly, vedette de prime time, n’est pas plus reluisante. Essuyant cinq accusations similaires, la tête d’affiche du O’Reilly Factor, progressivement déserté par les annonceurs, est finalement éjecté de Fox News Channel le 19 avril. Il aurait déboursé treize millions de dollars afin d’obtenir le silence de ses victimes. Un scandale qui nous renvoie par ricochet à Sean Hannity, commentateur politique qui a pris ses aises sur la chaîne de news conservatrice. Au cours d’une émission de radio d’Oklahoma, l’animatrice Debbie Schluse a épinglé son attitude « étrange et inquiétante« , évoquant certaines avances sexuelles – dont une proposition de terminer la journée « à l’hôtel » – et son chantage – telle la menace de « ne plus figurer dans son émission« . Entre la « conduite dégradante des exécutifs de la Fox à l’égard des employées féminines » et « le racisme répugnant de ces mêmes exécutifs« . c’est tout un système qui se perpétue, s’indignent les avocats Wigdor et Jeanne Christensen, en charge de la défense des treize indignés de la Fox.
Sous ses allures d’autel du conservatisme, la Fox cache des vices plus insidieux, comme en témoigne Andrea Tantaros. En août 2016, celle-ci accusait Ailes et O’Reilly d’abus relationnels, puis levait le voile :
« Fox News prétend depuis toujours être le défenseur des valeurs familiales traditionnelles, mais derrière le rideau se dissimule une mécanique alimentée par le sexe, digne d’un manoir Playboy, basée sur l’intimidation, l’indécence et la misogynie »
21th Century Fox ou 18th Century Fox ?
Défendre des valeurs ou « défendre l’indéfendable« , telle est la question que soulèvent les avocats des employés afro-américains. Sans surprise, la porte-parole et vice-présidente exécutive en charge des affaires légales Dianne Brandi dément « toutes ces accusations de discrimination raciale émises dans les plaintes déposées« . Les dénonciations visant Judith Slater ? Elles sont « sans merci, futiles, outrageantes, offensantes » détaille son avocate Catherine Foti, « fabriquées dans le but de générer des gros titres, d’enflammer les tensions raciales, d’intoxiquer les juges« .
De l’autre côté de la barre, c’est le nom de « Jim Crow » que l’on retrouve dans la bouche des plaignants. Soit le titre d’une rengaine folklorique, le sobriquet (péjoratif) traditionnellement affublé aux populations noires du temps de l’esclavagisme, et, avant tout, le nom attribué aux fameux « Codes Noirs » régissant les lois raciales du Sud Profond au cours de la période sécessionniste, il y a plus de deux siècles de cela. Les avocats Christensen renchérissent : « au sujet de cette discrimination raciale, les agissements de la 21th Century Fox sont tels qu’on pourrait parler de 18th Century Fox ». Dure analogie historique pour la chaîne d’information number one des Etats-Unis, dont le mot d’ordre érigé en slogan demeure encore aujourd’hui « fair and balanced » : « juste et équilibré ».
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