Une nouvelle série sur la débrouille, la France qui rame et qui dit « bijour ».
A quoi peut ressembler une télé-comédie française ? Après la mise en sommeil de Kaamelott (en attendant une version ciné) et avant Platane, création d’Eric et Ramzy en cours de montage pour Canal+, l’intéressant Stéphane Meunier (Ma terminale) s’y colle avec les huit épisodes de Fortunes, sur Arte, extension d’un téléfilm réalisé en 2008.
Son pari n’a rien de simple dans un paysage français qui ne juge quasiment que par l’humour à sketches : traiter avec légèreté la réalité d’une nation en pleine déprime.
Comme un pendant français à How to Make It in America (HBO), qui met en scène deux New-Yorkais fauchés, Fortunes invente une poignée de galériens crevant de réussite par tous les moyens. Soit un Arabe marié à une Portugaise, un autre qui aimerait arrêter de dire « bijour » à la place de « bonjour » et un Gitan costaud, voire sanguin. Ils tentent de lancer une grande opération immobilière, remise en cause par l’arrivée de concurrents d’origine chinoise.
Toujours alerte, la série possède le grand mérite de ne jamais lâcher son sujet, son envie de dresser un portrait contemporain de la France à sangs mêlés. Pour une fois, on a l’impression de deviner à l’écran ce qui pourrait se tramer dans nos rues, et non pas d’entrer dans un monde parallèle rendu niais par le petit écran. Une qualité si rare dans la fiction française qu’elle mérite d’être soulignée.
Pour le reste, Fortunes s’avère inégale, sujette à de brusques chutes de tension. Comme si elle hésitait parfois à pousser son audace trop loin, vers un territoire dangereux qui pourrait lui échapper, mais aussi la rendre plus excitante. Ce sera pour la saison 2, s’il y en a une ?
Olivier Joyard
Fortunes, créé par Stéphane Meunier avec Salim Kechiouche et Arnaud Ducret. Sur Arte à partir du 22 mars à 22h25.