Ce week-end, le FN organise son université d’été à Marseille. Six mois avant les élections municipales, plusieurs sondages évoquent une « vague irrésistible » du parti d’extrême droite. Des performances, le FN en a pourtant déjà réalisé. Le vrai défi pour le parti est de durer. Car les précédentes montées ont plus tenu du soufflet que du tsunami…
« La déferlante Marine Le Pen » Le titre s’étale en couverture de Valeurs Actuelles accompagnée d’une photo de la présidente du FN tout sourire. Selon un sondage Ifop pour l’hebdomadaire de droite, près de 34% des Français déclarent se sentir « proches » des idées défendues par le Front national.
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A six mois des élections municipales et neuf des élections européennes, le parti d’extrême droite qui revendique désormais 65 000 adhérents, entend présenter des listes dans plus de 500 communes. A Hénin-Beaumont, Carpentras ou Saint-Gilles, le FN espère même remporter des mairies.
Dans les médias, le storytelling bat son plein. « Il y a une scénarisation globale à laquelle participent beaucoup de médias et d’instituts de sondage pour dire que nous sommes face à un nouveau parti porté par la dédiabolisation alors que le mouvement reste globalement sur ses fondamentaux », analyse l’historien Alexandre Dézé, auteur du Front national : à la conquête du pouvoir ? (Ed Armand Colin).
En 1995, le FN remporte plusieurs mairies
Ce n’est pourtant pas la première fois que la vague frontiste paraît irrésistible. Revenons aux élections municipales de 1995. Lors du second tour, installé derrière son pupitre en plexiglas, Jean-Marie Le Pen triomphe : « Une fois de plus, le Front national a créé la surprise ». Après avoir franchi la barre des 15% lors de l’élection présidentielle deux mois plus tôt, le président du FN savoure les scores de son parti.
Jean-Marie Le Chevalier est élu à Toulon, Daniel Simonpieri à Marignane et enfin Jacques Bompard à Orange, tous à la faveur d’une triangulaire. L’addition aurait pu être plus sévère encore. A l’issue du premier tour, le FN aurait également pu l’emporter aux Mureaux (29,59%), à Dreux (35,16%), ou bien encore à Noyon (44,04%). Alors secrétaire général du parti, Carl Lang, chargé de diriger la campagne, avait réussi l’exploit de présenter 25 000 candidats dans 477 villes de plus de 5000 habitants. Après ces élections, le mouvement lepéniste dirige trois villes de Provence de plus de 220 000 habitants et dispose de 1250 conseillers municipaux. Il faudra mesurer les résultats électoraux du FN en 2014 à l’aune de ce scrutin historique.
De la même manière, de récents sondages évoquent une percée du FN auprès des classes populaires. Mais dès 1995, le FN, profitant de la décomposition du Parti communiste, séduit les classes populaires (30% des ouvriers, 25% des chômeurs, 18% des employés ont voté Le Pen).
En 1998, la digue craque avec la droite
Aujourd’hui, de nombreux observateurs s’alarment des risques de rapprochement entre l’UMP et le FN. La charte qui fixe les éventuels accords ou alliances pour les élections municipales de mars 2014 présentée par Marine Le Pen est parfois présentée comme une grande « nouveauté stratégique ». Pourtant là aussi, l’idylle entre droite et extrême droite tient plus du flirt prolongé que de la nouveauté.
En 1998, Bruno Gollnisch avait déjà rédigé un « programme minimum » permettant des alliances entre le FN et la droite. Lors des élections régionales, la digue craque littéralement. Brisant les consignes de leur parti, cinq présidents de région UDF sont élus grâce à l’appui des voix frontistes : Charles Million en Rhône-Alpes, Jean-Pierre Soisson en Bourgogne, Charles Baur en Picardie, Jacques Blanc en Languedoc Roussillon et Bernard Harang dans le Centre.
Après ces élections, jamais le FN n’a paru aussi puissant, aussi proche du pouvoir, aussi central dans le jeu politique. C’est pourtant dans la foulée de ces succès que le parti implose. Même si le Front national revendique une posture antisystème, il n’en reste pas moins un parti qui possède comme les autres ses querelles d’apparatchik. En décembre 1998, les tensions internes entre Jean-Marie Le Pen et son lieutenant Bruno Mégret atteignent leur paroxysme, précipitant une douloureuse scission. Un an plus tard, lors des élections européennes de 1999, le FN ne recueille plus que 5,7% des suffrages.
En 1988, Le Pen se voit au second tour de la présidentielle
L’histoire frontiste a tendance à bégayer. Avant les élections présidentielles de 1988, Jean-Marie Le Pen espère atteindre le second tour. Sur la lancée d’une tournée internationale où il a notamment rencontré le président américain, Ronald Reagan, le président frontiste se voit en tête des candidats de droite, affrontant Mitterrand en finale. « En 1985, une enquête d’opinion réalisée par Gallup estimait à 30% son potentiel électoral », raconte son ancien conseiller en communication Lorrain de Saint-Affrique.
Pourtant, le dimanche 13 septembre 1987, Le Pen dérape sur RTL en qualifiant les chambres à gaz de « détail de l’histoire de la Seconde guerre mondiale ». Le dimanche 24 avril 1988, Le Pen arrive quatrième de la présidentielle derrière François Mitterrand, Jacques Chirac et Raymond Barre. Une fois de plus, le FN est relégué à un pouvoir… de nuisance.
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