Le collectif Racine lié au Rassemblement bleu Marine tente une bravade pour pénétrer le milieu des enseignants en Loire-Atlantique. Une manœuvre diversement appréciée par leurs syndicats.
Faute de réellement peser électoralement à Nantes, le FN cherche à faire parler de lui. Il a donc choisi une ville symbole, dirigée depuis 25 ans par des maires-professeurs, pour implanter la deuxième section départementale de son collectif Racine. Une sorte de laboratoire d’idées destiné aux enseignants officiellement lancé vendredi 14 juin à la manufacture des tabacs. Pour le parti de Jean-Marie Le Pen, longtemps adepte du très libéral « chèque scolaire », il s’agit d’une énième tentative pour pénétrer le monde éducatif. L’affront est double. Car la ville, désormais dirigée par la fonctionnaire territoriale Johanna Rolland, avait été remportée en 1989 par un professeur d’allemand de formation, l’ex-Premier ministre PS Jean-Marc Ayrault. Le FN n’est donc pas vraiment en terrain conquis. Sa tête de liste, le professeur de sciences économiques et de marketing Christian Bouchet, y a réalisé de faibles résultats.
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Le FN affiche d’ailleurs traditionnellement ses scores les plus bas en Bretagne (où la photo ci-dessus à été prise, à Carhaix) et à Nantes, où il a atteint péniblement 8,14 % aux municipales. Aux Européennes, ses 10,08 % constituent un score « médiocre », selon les mots d’Alain Avello, Nantais et secrétaire général du collectif Racine, émanation du Rassemblement Bleu Marine.
« Si les socialistes se sentent provoqués, tant pis ou tant mieux pour eux car toutes leurs politiques ont toujours été désastreuses pour l’école », remarque-t-il, reconnaissant « une part de défi à aller en Loire-Atlantique ou dans le Finistère, prochain objectif pour septembre, avec le Cher, après l’ouverture d’une section parisienne le 20 juin. Après une première section dans le Var, il eut été trop facile d’en lancer une dans le Vaucluse ou les Bouches-du-Rhône. »
Une gageure donc, même si l’enseignement catholique est surreprésenté à Nantes : 30,3 % des élèves du primaire en 2011, contre 23 % à Lyon ou 21,8% à Lille, et même 43,3 % pour le secondaire.
« Le FN n’est en quête que d’un écho médiatique »
Pour Eric Bainvel, du syndicat d’enseignants de gauche SNUipp 44, « ce n’est pas un hasard si le FN s’implante au carrefour de la Bretagne, de la Vendée, de l’Anjou. La droite catholique réactionnaire y reste puissante, le mouvement royaliste encore présent. C’est une des dernières villes avec des commémorations autour de la statue de Louis XVI. Mais il y a aussi des collectifs anti-fascistes déterminés, la contestation contre Notre-Dame-des-Landes a fortement mobilisé et je pense que le FN rencontrera des problèmes. » Emmanuel Séchet, du Snes-FSU, syndicat majoritaire du secondaire, est lui dubitatif sur les réelles chances du FN : « J’ai du mal à imaginer qu’ils parviennent à se développer à Nantes, à mon avis ils ne sont en quête que d’un écho médiatique. »
Mais le collectif Racine estime qu’il peut ouvrir une section départementale dès qu’il dispose d’une faction suffisante d’adhérents.
« Nous sommes une dizaine en Loire-Atlantique, 600 à 650 au national, tout est en train de s’accélérer suite à nos excellent résultats aux Européennes », poursuit Alain Avello, qui cherche des enseignants motivés pour produire des « propositions novatrices, autour de la revalorisation de la voie professionnelle ou de la méthode syllabique. »
Rien de révolutionnaire selon François Portzer du Snalc, syndicat enseignant de droite : « On ne les a pas attendus pour faire des constats de bon sens sur l’éducation nationale. Ils se conduisent un peu comme des ‘coucous’ en reprenant des analyses qui viennent d’ailleurs. Nous n’avons aucun lien avec eux, ils ont eux-mêmes déclaré que FO était le plus proche de leurs conceptions. » Le Snalc refile ainsi la patate chaude à Force ouvrière, qui accueille beaucoup d’ex-trotskistes, de lambertistes voire d’anciens du Snes. FO, qui doit composer avec 33 % de sympathisants votant FN, considère que la venue du collectif Racine à Nantes ne le « regarde pas », selon son responsable académique Jean-Paul Charaux. « Chacun est libre de ses options politiques, nous ne sommes pas un parti. Vous savez, FO a été créé en 1947 pour échapper à la CGT et à l’emprise du Parti communiste français, même si celui-ci est beaucoup moins influent aujourd’hui. Ce qui nous importe, c’est la défense individuelle et collective de nos personnels. »
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