Un tiers des moins de 35 ans qui se sont déplacés dimanche ont voté pour le parti de Marine Le Pen. Des spécialistes du FN décryptent cet engouement.
Vous pensiez que le FN était un “parti de vieux” ? Vous vous trompiez. Selon l’institut Ispos-Steria, l’abstention a été le grand vainqueur de cette élection : 73 % des moins de 35 ans ne se sont pas rendus aux urnes. Mais parmi ceux qui ont voté, 30 % ont fait le choix du FN, contre 21% pour les plus de 60 ans. Comment expliquer ce succès ?
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La revanche des « invisibles »
Le jeune qui vote Front national, c’est le “jeune invisible dont on ne parle pas dans les médias”, selon Pascal Perrineau, professeur de sciences politiques et ancien directeur du centre de recherches politiques de Sciences Po.
Souvent non scolarisés, avec un faible niveau d’études, ou encore sans emploi, ces jeunes s’expriment en votant, et choisissent plus facilement le Front national que d’autres partis classiques. Dimanche, 37 % des non-bacheliers ont voté FN, contre 11% des bac+3.
L’expression du dépit
Le succès de dimanche manifeste également la défiance de ces jeunes vis-à-vis de l’Europe.
« Le Front national a beaucoup critiqué le capitalisme sauvage, la désindustrialisation, le tournant libéral de l’Europe de Bruxelles », explique Sylvain Crépon, sociologue.
Et contrairement aux partis de gouvernement (PS, UMP), qui, depuis le « non » au traité européen de 2005, n’osent pas trop se mouiller et redoublent de discours technocratiques, le FN propose des solutions concrètes, comme le retour au franc ou la sortie de l’espace Schengen. “Ces jeunes me disent souvent : le Front national, au moins, on comprend ce qu’il dit”, résume Sylvain Crépon.
La fin d’un tabou
« Ils votent maintenant Front national comme ils iraient voter front de gauche », analyse Pascal Perrineau. Pour les jeunes générations, mettre un bulletin FN dans l’urne n’a pas la même charge émotionnelle que pour les anciennes, qui associent encore le parti à Jean-Marie Le Pen et à ses dérapages sur la Seconde Guerre Mondiale ou la guerre d’Algérie.
L’image de Marine Le Pen a supplanté celle de son père, et elle est bien plus engageante. Son discours « gay-friendly, pseudo féministe, qui s’écarte des expressions racistes un peu trop brutales » a rajeuni le parti, selon Sylvain Crépon. Le FN, qui est d’ailleurs le premier parti de France en terme de présence sur les réseaux sociaux, apparaît moderne et connecté à la vie des jeunes.
Un geste de défi
Voter FN, aujourd’hui, n’est pas non plus un geste tout à fait ordinaire. Cela reste un signe de défi : le côté sulfureux du Front national séduit toujours, et c’est cet équilibre entre bonne conduite et positionnement anti-système qui fait la force du parti. Ainsi, la sortie de Jean-Marie le Pen sur le virus Ebola quelques jours avant le scrutin « ne lui a absolument pas nui, analyse Joël Gombin, chercheur en sciences politiques et membre de l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès. « ça a même été un coup de pouce ».
L’enthousiasme d’une partie de la jeunesse pour le Front national a été très fort dimanche. Mais il est loin d’être nouveau: « Aux régionales de 1998, le FNJ (Front National de la Jeunesse) avait investi une centaine de jeunes de moins de 25 ans sur les listes FN » se souvient Sylvain Crépon. « Cela lui permettait de ringardiser les autres partis. » Et lors de la dernière présidentielle, Marine Le Pen était en troisième position chez les 18-24 ans, derrière François Hollande et Nicolas Sarkozy…
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