Vingt-trois ans après avoir changé à jamais le regard porté sur le jeu de rôle japonais, l’un des épisodes les plus populaires de la saga « Final Fantasy » nous revient transformé. Et aussi : une invitation à se confiner dans les donjons envoûtants d' »Operencia : The Stolen Sun » et le grotesque considéré comme un des beaux-arts avec la version Switch de « Saints Row IV ».
Resident Evil 3, Black Mesa (alias Half-Life remis au goût du jour), Doom 64 et maintenant Final Fantasy VII (en attendant peut-être Super Mario 64). Le monde vidéoludique aurait-il décidé de fuir un présent peu réjouissant pour revivre à la place la fin de ses années 1990 ? C’est en tout cas une drôle de période qui voit se succéder les remakes de titres majeurs d’une époque clé pour le médium, celle qui le vit, entre autres bonnes choses, réussir son passage de la 2D à la 3D. Mais de ces nombreuses relectures auxquelles on pourrait ajouter l’imminent Trials of Mana, aucune ne témoigne d’une ambition comparable à celle de Final Fantasy VII Remake. Qui, autant le préciser sans attendre et contrairement à ce que son titre peut laisser penser, n’est pas un remake complet du jeu de rôle de 1997 mais le premier volet d’un projet dont on ignore encore combien il en comptera. Seuls 20% environ de l’intrigue originale sont en effet couverts ici. Le résultat se révèle pourtant d’une richesse et d’une ampleur assez folles.
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Simplicité
Dans la saga Final Fantasy, l’épisode VII fut celui de plusieurs basculements. Le premier était technique avec le passage en trois dimensions et l’importance accordée aux scènes cinématiques qui deviendra une signature de la série. Basculement industriel, ensuite, avec l’abandon des consoles Nintendo au profit d’un passage dans le « camp » Sony PlayStation dont le soutien ne fut pas pour rien dans le troisième bouleversement, culturel celui-là, que constitua le succès international de Final Fantasy VII, le premier aussi massif pour un représentant de ce genre alors souvent jugé étrange qu’est le jeu de rôle japonais. Et puis Final Fantasy VII (que l’on peut encore pratiquer en version remasterisée sur les principales machines à jouer, de la Switch au PC) était bouleversant. Ceux qui l’ont pris de plein fouet à l’époque ne sont ainsi pas près d’oublier le moment où ses auteurs osèrent « tuer » l’un de ses personnages les plus aimés – l’événement fit date dans l’histoire du jeu vidéo.
« Attends-moi ! » Aerith nous appelle. Nous, c’est-à-dire Cloud, ex-soldat devenu mercenaire qui vient de rejoindre un mouvement de résistance contre l’ordre économico-totalitaire qui règne dans le monde de Final Fantasy VII, incarné par l’omniprésente Shinra Company. Filant sur les toits des taudis de la ville de Midgar, on avait un peu oublié de vérifier qu’Aerith nous suivait. Alors on s’arrête et on revient vers elle, qui nous sourit. Plus tard, c’est chez sa mère qu’on l’accompagnera au cours d’une séquence sidérante de simplicité émouvante. Montant l’escalier, on remarquera les tableaux aux murs et les vases qui n’ont justement rien de particulièrement remarquables si ce n’est qu’ils sont là, à cet endroit précis où quelqu’un vit. Encore plus tard, avec Aerith, on ira cueillir des fleurs, sans se presser. On se croirait dans Shenmue, quasi.
Lutte des classes
Final Fantasy VII Remake est donc un jeu qui prend son temps. C’est à la fois son petit défaut et sa grande qualité. Un petit défaut parce que quelques passages clés de l’aventure ainsi que des quêtes optionnelles semblent s’étirer au-delà de toute nécessité. L’écrin luxueux dont ils se trouvent parés ici ne fait alors que souligner ce que certains éléments du FF VII de 1997 peuvent avoir aujourd’hui d’un peu lourd et daté. Mais le parti pris des auteurs de ce remake d’offrir, peut-être plus encore que du temps de jeu, du temps de regard sur le monde, les personnages, les événements de Final Fantasy VII est ce qui le rend vraiment spécial. Pas d’erreur : aussi monumental, spectaculaire et dynamique (notamment grâce à son système de combat largement revu) soit-il, FF VII Remake est un jeu qui excelle d’abord par son rapport à l’intime. Et le plus fort est qu’en la matière, on ne saurait dire si connaître parfaitement l’original est, au fond, un avantage ou non. Avec Final Fantasy VII Remake, il est probable que, dans tous les cas, on gagne.
Nous (re)voilà donc en train de perpétrer un attentat terroriste (qu’en 2020 plus encore qu’en 1997, le jeu ne traite vraiment pas à la légère) ou errant dans le « cimetière des trains ». Achevant une série de combats dans une arène contre une… maison (parce que la possibilité d’un foyer est le défi suprême ?) ou nous adonnant à la danse en plein quartier des plaisirs (dont la visite évoque curieusement l’épatante saga Yakuza). Et puis bavardant (beaucoup) ou observant des petits chats qui, dans FF VII, ne manquent pas. On rencontre aussi des monstres et des fantômes. Des portes verrouillées. Des garçons un peu gauches et des filles toujours plus malines. En haut, au-dessus de nos têtes, il y a la cité des riches, protégés (confinés ?), loin du peuple – comme dans le Metropolis de Fritz Lang, un peu. En dessous, c’est le peuple, qui se rebelle, se change les idées ou mène au mieux son existence faussement banale. Un peu de lutte des classes ne fait jamais de mal.
En 1997, Final Fantasy VII était nouveau et beau et grand. En 2020, son remake l’est au moins autant, à la fois fier et accueillant, désinvolte et résolu. Et plus habité que jamais.
Final Fantasy VII Remake (Square Enix), sur PS4, environ 70€
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Et aussi :
« Operencia : The Stolen Sun »
Responsables de l’indispensable collection Pinball FX 3, les Hongrois de Zen Studios prouvent avec Operencia : The Stolen Sun qu’ils ne sont pas forts qu’en flipper mais, aussi, en RPG. Après une introduction assez ratée et dont les vues en extérieur pourraient laisser croire à un émule de Skyrim ou The Witcher – ce qu’il n’est pas –, le jeu décolle en se confinant dans des donjons mal famés que l’on explorera en vue subjective dans la grande et belle tradition d’A Bard’s Tale et de Dungeon Master. On apprécie tout particulièrement sa bande-son, tantôt envoûtante, tantôt oppressante.
Sur Switch, PS4, Xbox One et Windows, Zen Studios, environ 30€
« Saints Row 4 : Re-Elected »
Au départ rival de GTA, Saints Row a gagné ses lettres de noblesse – si l’on peut dire – en s’engageant toujours plus (et, contrairement à ce qu’on pourrait croire, avec beaucoup de soin) dans le grand n’importe quoi, comme pour compenser le virage « respectable » pris par la saga de Rockstar Games avec son épisode IV. Paru à l’origine en 2013 mais fraîchement adapté sur la Switch, Saints Row 4 atteint des sommets en la matière puisqu’on y dirige, pour aller vite, un ex-gangster devenu président des Etats-Unis qui lutte contre une invasion extraterrestre grâce à ses superpouvoirs. Le résultat est génialement aberrant.
Sur Switch, Volition / Deep Silver, environ 40€
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