Aux Etats-Unis, certains pasteurs évangéliques sont également de fervents adeptes de free fight. Un documentaire américain sortira bientôt sur le sujet.
« Es-tu capable d’aimer ton prochain comme toi-même et, dans le même temps, de le frapper au visage aussi fort que possible ? » Cette punchline résume Fight Church à elle seule. Encore en production, le documentaire s’intéresse à l’improbable rencontre entre l’Eglise évangélique et le Mixed Martial Arts (MMA – un sport de combat réputé très violent, qui mêle kickboxing, lutte et différents styles d’arts martiaux) aux Etats-Unis. Les réalisateurs, Daniel Junge et Bryan Storkel, ont suivi Paul Burress, pasteur de la Victory Baptist Church de Rochester (dans l’état de New York) et entraîneur de MMA, et ses ouailles, sur les bancs de l’église comme sur le ring. L’équipe du film, après avoir organisé une levée de fonds et rassemblé plus de 30 000 dollars pour financer le projet, a diffusé la bande-annonce hier.
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Dans une interview donnée au site d’information participatif Examiner.com, Bryan Storkel raconte la genèse du projet :
« Les producteurs Eben Kostbar et Joseph McKelheer ont rencontré Paul Burress, et ont découvert qu’il était non seulement un entraîneur de MMA, mais également un pasteur. En apprenant à le connaître, ils ont réalisé que le pasteur Burress était un homme de foi, bon et sincère. Comment pouvait-il prêcher l’amour de son prochain, et dans le même temps encourager les membres de son église à se battre dans une cage ? (…)
Le fondement de la foi chrétienne, c’est l’amour : aimer son prochain et aimer Dieu. Il me semblait fou d’être la fois un pasteur et un combattant. J’ai voulu en savoir plus, et faire un film m’a semblé être la meilleure manière d’y parvenir. (…)
Le sujet me fascine, car c’est une zone de floue. Souvent, les chrétiens évitent d’évoquer ce genre de sujets. Moi, j’adore comprendre pourquoi les gens croient en ce qu’ils croient. J’adore également rencontrer des gens qui vivent leur foi de manière non-conventionnelle. »
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« Viriliser » l’église pour la rendre plus attractive
Si le phénomène prend peu à peu de l’ampleur aux Etats-Unis, les églises évangéliques prônant le free fight restent très isolées. Selon R. M. Schneiderman, auteur d’un article sur le sujet, publié dans le New York Times en février 2010, environ 700 des 115 000 églises évangélistes blanches américaines proposent à leurs paroissiens de participer à des combats de MMA.
L’objectif : faire revenir les hommes, en particulier âgés de 18 à 34 ans, qui ont tendance à déserter les églises. Avec le MMA, il s’agit d’injecter un peu de virilité – voire de machisme – dans les paroisses, pour les rendre plus attractives. D’après le New York Times, certains pasteurs craignent d’avoir trop « féminisé » leur église, en prônant des valeurs telles que la bonté et la compassion, au détriment de la force et du sens du devoir. « Nous avons grandi dans une église aux bancs pastels, témoigne Tom Skiles, pasteur de 37 ans de l’église St. Louis à Arnold (Missouri). Les hommes s’endormaient. »
Les pasteurs adeptes de MMA ne perçoivent aucune contradiction entre leur foi et le combat. « La compassion et l’amour, nous approuvons ces valeurs, explique Brandon Beals, de la Canyon Creek Church près de Seattle. Mais ce qui m’a poussé à trouver Jésus, c’est qu’il était un combattant. » Ce sport leur permettrait même de mieux promouvoir les valeurs chrétiennes. Ou de « travailler à la fois sur le corps, l’âme et l’esprit« , comme l’affirme le pasteur de Rochester, Paul Burress : « Que l’on gagne ou que l’on perde, nous représentons Jésus. Et la plupart du temps, nous gagnons. »
Quand certains pasteurs se contentent de rassembler leurs ouailles devant les diffusions télévisées des combats, tout en arguant que le Christ lui-même s’est battu pour ce en quoi il croyait, d’autres vont plus loin. Quelques-uns d’entre eux endossent le rôle d’entraîneur, organisent des combats de MMA au sein de leur paroisse, et montent même sur le ring. A l’image de Brandon Beals, aka Fight Pastor, qui se présente sur son blog comme « un grand fan de MMA, marié à la femme la plus sexy du monde, père de trois enfants, et qui se trouve également être le pasteur de la Canyon Creek Church à Mill Creek« . Son credo : « Se battre pour la bonne cause » (« Fight the good fight« ).
Naissance d’une sous-culture
Si, comme le souligne le New York Times, les églises évangéliques oecuméniques ont de longue date recours à la culture populaire – comme le rock ou le skateboard – pour attirer de nouveaux paroissiens, l’entrée du MMA au sein des églises reste très critiquée.
« Je trouve cela troublant et très inquiétant. Un des fondements du christianisme est de ne pas blesser, de ne pas heurter les autres, déplore la révérende Monica Corsaro, interviewée par le site d’information canadien lapresse.ca. Si ces pasteurs veulent vraiment attirer les jeunes, pourquoi n’ont-ils pas recours au football ou au soccer ? Pourquoi est-ce que cela devrait être des combats ultimes ? C’est totalement contraire aux enseignements chrétiens. »
Reste que ces dernières années, le MMA chrétien est devenu une véritable sous-culture, comme en témoigne la marque de vêtements Jesus Didn’t Tap (Jésus n’a pas abandonné) ou le site communautaire Anointedfighter.com. Il y a dix ans encore, le MMA était perçu comme un sport extrêmement violent aux Etats-Unis, ne bénéficiant d’aucune règle ni arbitrage. Dans la plupart des états, il était illégal de le pratiquer : de nombreux hommes politiques, comme le sénateur républicain John McCain, en ont dénoncé les dérives. Aujourd’hui, le MMA est entré dans les moeurs, et a été légalisé dans presque tous les états américains – notamment grâce à une campagne marketing efficace menée par le Ultimate Fighting Championship.
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