Destinée à l’origine aux mobiles et tablettes, la “Pocket Edition” de “Final Fantasy XV” vient de s’offrir une sortie surprise sur PS4, Xbox One et Switch. Une drôle d’idée : avec son récit resserré, son style graphique simplifié et ses à-côtés supprimés, cette version semblait partie pour frustrer. Mais finalement une grande idée, qui permet de porter un autre regard sur l’un des grands jeux de ces dernières années.
Oh mon dieu ! Final Fantasy a rétréci. Et pas n’importe quel Final Fantasy, pas un épisode eighties au style daté ni l’un des volets spectaculairement linéaires de la saga (le X, le XIII…) dans lesquels on progresse parfois presque sans y penser. Non, c’est le dernier Final Fantasy en date, le grand, le luxueux XV, avec son monde ouvert et ses grands espaces que Square Enix a passé à la machine et qui en est ressorti tout propre et lisse mais, aussi, resserré à pas mal d’endroits. Alors on s’inquiète : est-ce qu’il nous ira toujours aussi bien ? Est-ce qu’on se remettra de la disparition de tous ces trucs oubliés dans les poches, bijoux brillants et options variées, qui se sont visiblement enfuis dans la tuyauterie ?
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Sur la Switch : expérience hybride pour console hybride
A l’origine, Final Fantasy XV : Pocket Edition est un jeu mobile. Une déclinaison plus courte et accessible de FF XV qui en reprend l’intrigue, les personnages, les lieux et l’essentiel des éléments clés, mais en simplifiant à peu près tout : la représentation graphique (à noter : qu’ils parlent, crient ou pleurent, le visage des personnages reste immuable), les déplacements (une flèche présente en permanence et une carte ultra-précise sont là pour garantir qu’on ne se perdre pas), les combats (désormais plus nerveux que tactiques, malgré quelques pouvoirs spéciaux). Et puis la boutique (d’armes, d’accessoires, de potions…) permettant de refaire le plein est présente en permanence dans les menus sans qu’on n’ait besoin de se rendre chez un marchand, et puis la montée en niveau de nos aventuriers est accélérée (au point que, par moments, on a l’étrange sentiment de ne pas l’avoir tout à fait méritée), et puis on se téléporte sans mal d’une zone à une autre, et puis les objets et trésors (et notamment les aliments pour les super recettes de l’ami Ignis, toujours passionné de cuisine) ne sont jamais à chercher bien loin, et puis on peut rarement entrer dans les bâtiments… Au départ, donc, tout ça était pensé pour rendre FF XV (ou quelque chose d’approchant) jouable par sessions brèves, sur des machines moins puissantes dotées d’un un petit écran tactile, mais voilà que Square Enix, comme il l’avait déjà fait avec ses jeux mobiles Lara Croft Go et Hitman Go, a décidé de porter la chose sur consoles. A priori contre-nature, l’idée n’était pourtant pas forcément si mauvaise.
A choisir, c’est sans doute sur la Switch que l’on parcourra en accéléré (tout est relatif : compter quand même une bonne quinzaine d’heures pour voir le bout de ses dix chapitres) ce RPG allégé : un peu à l’étroit sur un téléphone mais pas complètement à sa place sur les consoles de salon ultra-puissantes qui accueillent déjà le “vrai” FF XV, l’expérience hybride que propose cette Pocket Edition semble parfaitement à sa place sur une console qui l’est tout autant. Au point qu’après avoir tiqué un peu, on se laisse rapidement convaincre que cette transformation vaguement sacrilège d’un jeu de rôle aimé n’était pas une si mauvaise idée.
Balades en chocobo et virées assistées
Jouer à FF XV : Pocket Edition, c’est accepter de se laisser guider. Pour qui a envie de se creuser la tête et de se sentir vraiment responsable de ce qui se passe à l’écran, mieux vaut se changer d’adresse – et choisir par exemple, pour rester dans le registre du RPG japonais au sens large et les sorties récentes, celles de Valkyria Chronicles 4 ou de Labyrinth of Refrain : Coven of Dusk. Mais s’il est d’un autre ordre, le plaisir est pourtant bien présent dans nos balades à peine interactives (un bouton pour sauter en cas d’obstacle) à dos de chocobo, nos virées assistées dans une campagne strictement limitée par des murs invisibles et nos bastons épiques sans réel danger (face à un monstre qu’il jugeait trop fort, on a vu le jeu nous faire fuir automatiquement alors qu’on croyait encore en nos chances). Du plaisir, donc, mais à condition de savoir où l’on met les pieds.
Découvrir une toile de maître dans un musée ou bien dans un livre ou sur une carte postale, ça ne revient pas au même. Dans un cas, c’est un face-à-face qui, selon les cas, peut se révéler bouleversant, asphyxiant mais aussi décevant avec l’œuvre elle-même. Dans l’autre, ce n’est qu’une confrontation avec sa reproduction. On aperçoit le tableau, on saisit éventuellement l’idée, on se penche peut-être sur les détails. Si quelque chose nous échappe, ce n’est pas grave : on y reviendra. On vit avec. Pas de cérémonial, d’enjeu disproportionné, de risque de ne pas être à la hauteur et de passer à côté de son sens ou de sa beauté. L’affaire est personnelle. Elle nous appartient, intimement et pour longtemps.
L’œuvre et sa reproduction
Final Fantasy XV : Pocket Edition, c’est un peu ça : non pas un ersatz ou une imitation de FF XV, mais une reproduction. Comme un livre d’art, on la feuillette presque à volonté en choisissant son chapitre. Tiens, si on revoyait la rencontre avec Cindy et son père, au garage ? Ou ce moment où nos héros on perdu la Regalia, leur voiture ? Ou encore le départ en train ? Pas de grosses contraintes, de pression excessive, ni d’obligation de s’immerger dans l’œuvre, de s’y abandonner. Le jeu nous accompagne, nous tient compagnie. On l’oublie, on le ressort, on y joue en discutant, on le repose. Et puis il fait noir, tout le monde est parti. On est seul avec Noctis (avec la réplique de Noctis) qui se souvient de Luna, et voilà que ça monte. Soudain, on est tout remué à l’intérieur, et pour de vrai : la reproduction est une porte d’entrée, une passerelle entre l’œuvre et nous grâce à laquelle bien des choses circulent. Avoir déjà fait l’expérience du jeu original est un plus, mais pas une obligation : dans une certaine mesure, savoir qu’il existe suffit.
Jeu de rôle allégé (ce qui n’est pas si mal quand tant de ses semblables pèsent des tonnes) et néanmoins chargé (d’une histoire, d’un passé, voire d’une mission d’évangélisation pour tout le JRPG), FF XV : Pocket Edition est un jeu riche en paradoxes, à la fois insaisissable et évident, tout entier offert et parfois pourtant comme un peu absent. Où est le spectacle ? Où est le défi ? (À l’intérieur de nous, probablement.) C’est une reproduction devenue une œuvre à part entière mais se présentant elle-même (et de manière un peu trompeuse) comme mineure. Un jeu carte-postale, donc, qui nous donne des nouvelles de Final Fantasy. De là où on les reçoit, elles semblent plutôt bonnes, merci.
Final Fantasy XV : Pocket Edition HD (Square Enix), sur Switch, PS4 et Xbox One, environ 30€. Également disponible sur PC, iOS et Android
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