À New York, un tailleur réalise une ligne de costumes pour ses clientes qui ne se retrouvent pas dans la mode
féminine. D’autres marques proposent également des alternatives qui
prennent en compte le genre.
Si le genre est une question de choix plutôt que de biologie, l’offre vestimentaire sur le marché peut sacrément limiter son expression. Tout particulièrement pour les femmes qui se sentent plus à l’aise en costumes masculins et se retrouvent face à un dilemme : ou porter des vêtements d’homme, qui leur donne l’air d’un pré-ado déguisé en monsieur, ou leurs versions ‘filles’, subtilement féminisées pour mettre en valeurs les courbes.
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Comme le dévoile le New York Times la nouvelle marque Bindle&Keep s’adresse à ces femmes-là. C’est le mariage d’un tailleur de Park Slope à Brooklyn, Daniel Friedman et de Rachel Tutera, du blog ‘The Handsome Butch’. Tutera, à l’origine du projet, cherchait à créer des vêtements traditionnellement masculins mais coupés pour un corps de femme – sans pour autant y insérer une esthétique efféminée.
Elle ressentait un réel manque dans la mode, inadaptée aux femmes qui, comme elle, ne trouvent pas le compte dans les collections féminines – et pas leurs tailles dans les collections masculines. « Je ne porte absolument jamais de vêtements pour femmes. Je sais mieux quoi porter avec des vêtements pour homme« , dit-elle au New York Times.
Elle contacte Friedman par email, qui semble initialement surpris par l’idée, puis par son apparence. « Il ne savait pas si c’était une femme masculine, transgenre et ne savait pas comment s’adresser à elle« , écrit le New York Times au sujet Friedman, qui n’avait jamais été confronté à des problématiques de genre auparavant, ni à l’existence de ce marché émergent. Cependant, il s’y lance quand même – après tout, pourquoi refuser une honnête offre ? Aujourd’hui, il raconte que ce n’est plus l’argent mais l’incroyable satisfaction de ses clientes qui le motive.
Les produits de Bindle&Keep attirent avant tout une clientèle transgenre ainsi que des couples gays sur le point de se marier, mais aussi des femmes en quête d’une beauté fièrement alternative. Car si l’unisexe revient régulièrement à la mode, celui-ci propose souvent une imitation ramollie de son inspiration masculine. Ceci est notamment le cas pour les tailleurs : symbole d’appartenance et d’unicité masculine depuis le début du XXe siècle, c’est Yves Saint Laurent lance le smoking pour femmes, version ultra glamour, dans les années 70. Cependant, quand le « Power Suit » d’Armani émerge dans les années 80, destiné aux femmes à hauts postes, il ne propose qu’une copie de symboles de force masculins: leurs larges épaulettes tentent de faire face à une carrure d’hommes, mais proposent une solution singeante et peu flatteuse. Aujourd’hui encore, quand, dans la mode, on lance un pantalon large, celui-ci est immédiatement adoubé de ‘boyfriend jeans’, proposant une identité de seconde main, un dérivé plutôt qu’un sujet indépendant.
Aujourd’hui, Bindle&Keep n’est pas seul. Des marques comme ‘22/4’, qui propose des lignes identiques pour hommes et femmes avec des ajustements dans les coupes, ou encore Wild Fang, qui célèbre la culture tomboy, offrent aujourd’hui des alternatives valorisantes.
« On est en train d’entrer dans une ère où la conscience de genre est démocratisée et commercialisée. Le genre est un choix de vie ainsi qu’un art de vivre », analyse Carol Mann, professeur de Gender Studies à Sciences Po Paris. Si le genre est une question de choix plutôt que de biologie, l’offre vestimentaire sur le marché peut sacrément limiter son expression. Tout particulièrement pour les femmes qui se sentent plus à l’aise en costume masculin et se trouvent face à un marché qui les ignorent.
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