Invité cette semaine par Alain Juppé, à « clarifier ses positions » sur l’avortement, les déclarations de François Fillon sur le sujet suscitent de vives réactions chez les féministes qui dénoncent des positions personnelles pouvant influencer les politiques publiques.
Arrivé en tête du premier tour de la primaire de la droite et du centre avec 44,1% des voix, François Fillon apparaît comme le favori pour le second tour qui aura lieu dimanche. L’ex Premier ministre a fait campagne sur un programme très conservateur: suppression de 500 000 postes de fonctionnaires, instauration des 39 heures, retraite à 65 ans, ou encore suppression de la possibilité d’adoptions plénières pour les parents homosexuels.
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Invité sur Europe 1 mardi 23 octobre, Alain Juppé, son rival pour le second tour, invitait François Fillon à « clarifier sa position » sur l’avortement :
« Il y a des points sur lesquels j’aimerais bien que François Fillon clarifie sa position, par exemple sur l’avortement et l’interruption volontaire de grossesse. Il a commencé par dire dans son livre que c’était un droit fondamental de la femme, puis il est revenu sur cette déclaration dans un débat qu’il a eu devant un certain nombre de supporter. Quelle est sa position ? », a interpellé le maire de Bordeaux.
« Je ne peux approuver l’avortement »
Réponse de Fillon : « Jamais je n’aurais pu penser que mon ami Alain Juppé tombe aussi bas ». Le 22 juin dernier, à Aubergenville dans les Yvelines, l’ancien Premier ministre avait déclaré que la qualification de « droit fondamental », n’est pas l’expression à utiliser à propos de l’avortement :
« J’ai écrit (dans mon livre) que l’avortement était un droit fondamental. Ce n’est pas ce que je voulais dire. Ce que je voulais dire, c’est que c’est un droit sur lequel personne ne reviendra. Philosophiquement et compte tenu de ma foi personnelle, je ne peux pas approuver l’avortement », indiquait-il à la presse.
« Dans mon livre (Faire), j’explique que jamais on ne touchera à l’IVG. Ma conscience, ça me regarde », a-t-il précisé cette semaine. « Je suis un homme, pas une femme. Ce n’est donc pas à moi de prendre une décision personnelle sur cette question. En tant que responsable public depuis 30 ans, est-ce qu’une seule fois vous avez entendu François Fillon proposer de revenir sur l’IVG ? Evidemment, je ne toucherai à rien dans ce domaine », explique celui qui a notamment reçu le soutien de Sens Commun, l’émanation politique de la Manif pour Tous.
Des déclarations floues, renforcées par Jean-Frédérique Poisson, éliminé au premier tour de la primaire de la droite et du centre. Dans un entretien au Figaro, le président du Parti chrétien-démocrate a expliqué son ralliement au député de Paris pour sa « politique familiale et l’accueil de la vie ». Des positions donc ambiguës sur l’avortement que dénoncent également les féministes.
https://twitter.com/carolinedehaas/status/800452478269407232?ref_src=twsrc%5Etfw
« Le droit à l’avortement ne sera en tout cas pas sa priorité »
Contactée par Les Inrocks, l’ancienne porte-parole d’Osez le féminisme Caroline de Haas, se dit « inquiète » des convictions « réactionnaires » de François Fillon :
« Il est profondément contre l’avortement puisqu’il considère que ce n’est pas un ‘droit fondamental’, mais il a compris qu’il ne pourrait pas le remettre en cause », explique-t-elle. « Le droit à l’avortement ne sera en tout cas pas sa priorité, ce qui ne sera pas sans conséquence sur sur les politiques publiques et les mentalités puisque ce genre de déclarations fini par laisser des traces dans les esprits ».
« La loi sur l’avortement, on peut la saboter sans l’abroger », martèle en effet Suzy Rojtman, porte parole du collectif des droits des femmes.
« M. Fillon peut très bien revenir sur les avancées socialistes des dernières années. Il pourrait remettre la semaine de réflexion qui a été supprimée, dé-rembourser tous les médicaux autour de l’avortement, faire jouer la clause de conscience, ou encore réintroduire la notion d’état de détresse qui a été enlevée », détaille-t-elle.
Caroline de Haas déplore également une « dépolitisation » de la question :
« Il dépolitise totalement le sujet en déclarant : ‘Je suis un homme, pas une femme. Ce n’est donc pas à moi de prendre une décision personnelle sur cette question’. Beaucoup de responsables politiques n’ont pas conscience de à quel point l’égalité hommes-femmes est importante, elle est en réalité structurante pour tous les autres sujets, que ce soit le travail, l’éducation, l’environnement, etc. »
« Il faudrait que Fillon s’exprime très clairement, non seulement sur l’abrogation de la loi, mais sur toutes les restrictions possibles autour », conclut Suzy Rojtman.
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