Ce langage sexuellement explicite vise à exciter son partenaire en lui susurrant des phrases coquines, mais entre chuchotements sexy et imitation ratée du porno, il n’y a qu’un pas
Dans « Talk dirty to me« , Jason Derulo chantait son amour pour les mots crus : « J’ai fait le tour du monde sans parler d’autres langues, mais ton cul n’a pas besoin d’explications. Tout ce que j’ai besoin de comprendre, c’est quand tu me parles salement.”
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Pour la sexothérapeute Nathalie Giraud-Desforges, l’utilisation du mot « dirty » (sale en anglais) n’est pas un hasard. Le “dirty talk” désigne un langage spécifique lié au sexe : « Cela signifie que l’on peut, durant une relation sexuelle, s’écarter du langage conventionnel et sortir des sentiers de l’entendable.”
Susurrer des phrases coquines à l’oreille de son partenaire est-il devenu le passage obligatoire d’une relation sexuelle satisfaisante ? Marronnier des magazines féminins et autres GQ, le dirty talk a la couverture médiatique d’un fantasme dans l’air du temps.
Une pratique risquée
Pourtant, n’est pas donnée à tout le monde la chance de pouvoir se targuer de maîtriser l’art de cette joute oratoire. Le dirty talk a un fort potentiel versatile : excitant si il est réussi, suicidaire si la sauce ne prend pas. Les premières précautions à prendre sont bien résumées par GQ:
« En premier lieu, veillez à ce que le moment soit propice (…) Votre partenaire a besoin d’avoir déjà abandonné une partie de sa rationalité pour être émue par les pires grossièretés (…). Évaluez la situation afin d’adapter le degré de vulgarité à ce qui fait frémir votre partenaire. Est-elle plutôt une « tu aimes ça ? » (niveau 1 sur l’échelle du dirty talk) ou plutôt une « je vais te b*iser comme il faut » (niveau 7)«
Un dirty talk qui tombe comme un cheveu sur la soupe peut être vécu comme un moment très humiliant voire perçu comme sexiste, à force d’injonctions ou d’insultes non désirées. Pour Nathalie Giraud-Desforges, il a la capacité de faire naître et booster le désir, ou de le tuer : « Le dirty talk peut être un killer d’envie si en parlant à l’autre, on lui impose son propre désir sans prendre en compte le sien.” Se lâcher donc, mais pas au détriment de l’autre.
Pour être sûr de son coup, une connaissance minimum de l’autre et de ce qu’il est prêt à entendre est essentielle. “Par exemple, ‘t’es bonne’ est plus susceptible de marcher en pleine action, alors qu’on est couvert de sueur et vraiment dedans, plutôt que pendant les préliminaires ou après le rapport, où ça tomberait à plat, comme un soufflet qui se dégonfle”, explique la sexothérapeute.
Faut-il en parler avant, en risquant de tout couper et transformer le charme du naturel en exercice insipide ? Le bon dirty talk serait à la croisée des chemins entre acte préalablement consenti et effet de surprise. Mieux vaut être sûr de ne pas tomber totalement à côté avant de se lancer.
« Un bon moyen de pimenter votre sexualité«
Si vous n’êtes pas rebuté à l’idée de vous faire insulter, que votre partenaire vous annonce la suite des réjouissance à haute voix ou de recevoir quelques compliments salaces, le dirty talk pourrait être une bonne chose. Un bon dirty talk peut d’ailleurs se passer d’insultes. Selon Glamour, « il s’agit de mêler indications et provocations afin d’améliorer votre communication, votre confiance et de laisser parler vos fantasmes« .
L’exercice peut commencer par des sextos. Une manière de faire travailler l’imagination: « On peut parler de soi ou de ce qu’on aimerait faire avec l’autre en s’appuyant sur les cinq sens: ‘Je nous vois déjà , je sens, je goûte, je vibre…’ » suggère Nathalie Giraud-Desforges. Si la personne est dans une situation non sexuelle comme une réunion, le dirty talk est encore plus transgressif « car elle reçoit quelque chose lié au sexe et à l’intimité et personne ne se doute de ce qui est en train de se passer« .
Le premier bénéfice de cette pratique est qu’elle permet de parler de sexe: « Durant les préliminaires, cela va stimuler l’ouïe, vecteur de sensations aphrodisiaques. Cela permet aussi de parler plus directement, de dire ce que l’on veut, ce que l’on aime, ce que l’on n’aime pas« . Un dialogue sexuel qui permet de mieux se comprendre tout en faisant monter la température en somme.
Pour augmenter les chances de réussir son coup et de se libérer de ses appréhensions, la sexothérapeute propose d’utiliser le vouvoiement, « avec des mots crus pour l’effet de surprise« . Elle préconise aussi la formule mot-cru suivi d’un compliment ou d’un impératif suivi d’un « s’il te plaît« . L’idée est d’associer un élément de dirty talk à une parole plus douce afin de mieux faire passer le message : « La contradiction amène une acceptation, la douceur des caresses fait passer la brûlure des mots crus, elle permet de repousser ses limites« . Un seul impératif, que les partenaire soient connectés.
Une pratique féministe ?
Les lectures adressées aux hommes étant plutôt portées sur le fait de ne pas se taper la honte et de ne pas effrayer sa partenaire, la presse féminine, elle, a, tendance à enjoindre aux femmes de dépasser leurs appréhensions pour se lancer. Un beau panorama des clichés de genre. Les avantages sont donc nombreux pour Glamour, qui se place du côté des femmes.
« L’excitation sexuelle commence dans la tête. Cette dernière est d’ailleurs considérée comme l’organe sexuel le plus puissant car c’est elle qui a le dernier mot en terme d’envie et de consentement. En stimulant différentes zones de votre cerveau ainsi que votre corps, le dirty talk permet une exploration totale de soi.«
« Les femmes sont moins habituées à demander que les hommes. Elles sont plus dans l’attente de recevoir et ne demandent pas« , explique Nathalie Giraud-Desforges. Un effet de l’éducation patriarcale qui transparaît dans l’intimité. Le dirty talk peut renverser cela: « Il faut les encourager a exprimer leurs désirs de façon ciblée grâce à des mots comme ‘J’ai envie de, j’aime quand, etc.’ »
Le langage n’est pourtant pas le seul moyen de s’échauffer. Le sexe sans mots, « avec bruits de gorge, râlements, souffle dans l’oreille et regards intense, peut être encore plus excitant et la connexion encore meilleure » assure la sexologue. La gestuelle peut donc avoir une charge érotique plus puissante que les mots ? « Le silence peut être vide, ou plein, empli des sens en émoi » répond Nathalie Giraud-Desforges. Et si le sexe silencieux version dîner de monastère était le futur du dirty talk ?
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