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Dernière étape, derniers verres et, finalement, des révélations : suite et fin de notre récit de la Fashion Week nocturne.
Si l’on écarte le facteur de socialisation, les soirées de fashion week ont finalement deux intérêts assez futiles. Le premier consiste à boire à l’œil, quand c’est possible. Problème – on l’a vu à l’épisode précédent –, avec la crise, les fêtes sont moins légions. La maison Balenciaga, par exemple, a préféré organiser un dîner privé plutôt qu’une fête. Cela a tellement choqué les puristes qu’ils en parlaient encore cinq jours plus tard. Et le pire, c’est que même quand soirée il y a, les open-bars ne sont plus forcément légions. My God. Ensuite, l’autre grand jeu pendant ces parties revient à tendre l’oreille un peu discrètement pour capter l’essence de la #fashion ou de la #pfw. À notre petit niveau, on a tenté d’alimenter la chronique et on s’est régalé chaque soir, mais on doit bien reconnaître que s’il y en a un qui a battu tout le monde à ce game, c’est bien Loïc Prigent. Connu pour ses documentaires façon plongée dans les abysses intimes de la mode (des films qui lui ont ouvert toutes les portes ou presque avec les années) le réalisateur a passé sa semaine, de podiums en barnums parisiens, à alimenter méthodiquement son compte Twitter des meilleures saillies captées à la volée, sans jamais omettre de préciser le ton et le contexte. Ce petit florilège de l’ami Prigent qu’on pourrait presque résumer en #whitegirlproblems aura été finalement une des plus belles réussites de cette fashion week
Mais voilà qu’il est temps de revenir aux dures réalités du marathon fashion. Mardi, pour fêter Jean-Charles Castelbajac – qui avait présenté le matin sa toute nouvelle collection sous les ors de l’oratoire du Louvre –, le carnaval des party-harders s’était réuni tard dans la nuit au Silencio. Il faisait bon et devant le club, ça flânait comme aux meilleures heures du printemps. Il y avait là un jeune homme fringuant, coiffé d’un turban sikh, et son acolyte, sanglé parfaitement dans un caleçon bleu clair tacheté, perché sur des pompes compensées aux faux airs de moonboots spatiales. Et à côté, un autre type batifolait devant les vigiles : « Je suis de l’agence Caprice, comme une capricieuse ! » Une douceur, une joie de vivre même, soudainement – et malheureusement – battue en brèche dans les sous-sols du Silencio, pas loin du bar où l’on se pressait pour l’open-vodka tonic. « Alors, t’es clitoridienne ou vaginale ? » s’entendait-on dire, tout-de-go. L’auteur du massacre ? Un vieux photographe à la bedaine aussi lourde que son rire. Nous l’appellerons F.K. Le type fait partie de ces marathoniens des mondanités parisiennes, de ceux que l’on croise là où on sert – toujours – à boire gratis, et qui justifie – tout le temps – sa présence en brandissant sa carte de photographe de nuit. C’est cela, oui. Alors, F.K., cette fashion week 2013 est-elle un bon cru ? Couvé par les mélodies gargantuesques balancées du côté de la scène par l’incroyable Yan Wagner, le type beugla d’un trait : « Cette semaine est un enfer, on ne me laisse rentrer nulle part. Là, j’étais invité à l’ouverture de la boutique de Karl Lagerfeld à Saint-Germain, j’étais hyper fier et, horreur, on m’a finalement refoulé ! Résultat, je suis obligé de faire le larbin derrière les barrières pour prendre deux pauvres photos. » On lui mit alors la main sur l’épaule, lui soufflant qu’il ne faut jamais se laisser abattre et que, comme la mode, la chance est une affaire de cycle. Et tout sourire, l’ami F.K. répondit : « De toute façon, une bonne fashion week, c’est quand j’arrive à tirer une minette ». Au secours.
Quittant l’enfer, cherchant désespérément de l’air, on s’enfonçait alors dans la fosse, valdinguant entre deux blondes et leurs chaperons, toujours ambiancés par l’électro dantesques du bon Wagner. Sur la piste, porté par les ondes métalliques de la playlist, ça secouait sec. C’est là que l’on est tombé nez à nez avec un proche de Castelbajac, tout euphorique : « JCDC est un mec incroyable ! Ce type était héroïnomane dans sa jeunesse, ses vieux potes sons tous morts et il est encore là aujourd’hui, plus moderne que jamais ! » Vrais reconnaissent vrais. Bonus : notre témoin nous confia plus tard que, tout gamin, ledit JCDC lui racontait des histoires d’extra-terrestres. « Castelbajac n’est pas le genre à réciter des contes de la Belle au bois dormant. Il est plus original que ça ! »
Fort cette confession de poids, on poursuivait la nuit, lâchant nos dernières forces sur la piste. Aussi, au bout du bout, la fatigue finit par pointer le bout de son nez. Le genre de fatigue qui frappe ceux qui dérèglent brutalement leur horloge pour sortir un dimanche, un lundi et un mardi, comme d’autres le feraient normalement un vendredi. La fête jusqu’à plus soif n’est pas faite pour tout le monde. Misère. Il ne restait plus qu’à écouter un type accoudé au bar : « Et demain, elle où la soirée ? » Et un autre de lui rétorquer : « Demain, c’est plateau télé devant PSG-Valence mon vieux » Et l’autre, presque désespéré : « Et jeudi ? – Jeudi, c’est dîner chez les parents. » Fin du bal. À la saison prochaine.
Raphaël Malkin et Loïc H. Rechi
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