Le 17 juillet, les députés français doivent voter pour ratifier l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada. Ses opposants s’inquiètent des conséquences en matière sanitaire et d’environnement. On fait le point.
Qu’est-ce que c’est ?
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CETA, pour Comprehensive Economic and Trade Agreement. Il s’agit d’un traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada. Techniquement, celui-ci supprimera 98 % des droits de douane entre le Canada et l’Union européenne. Il s’applique déjà à titre provisoire depuis dix-huit mois, le Parlement européen l’ayant adopté en février 2017. Il n’entrera cependant pleinement en vigueur qu’après sa ratification par l’intégralité des parlements des Etats membres, car quelques chapitres empiètent sur leurs compétences. Le but est de doper les échanges commerciaux transatlantiques. “C’est la doctrine de la Commission européenne depuis 2005 : faire gagner des marchés à nos entreprises, quitte à tout accepter en retour”, pointe l’économiste Maxime Combes, porte-parole d’Attac, auteur de Sortons de l’âge des fossiles ! Manifeste pour la transition (Seuil). Plusieurs secteurs de la société civile sont en effet opposés au CETA, en raison des conséquences qu’il pourrait avoir en France.
Le projet de ratification du #CETA arrive, mercredi après-midi, dans l'hémicycle. >> https://t.co/zu8Lgj6mQA #DirectAN pic.twitter.com/kt7TOStCCF
— LCP (@LCP) July 16, 2019
Quelles conséquences sur l’agriculture ?
Les agriculteurs s’opposent à cet accord, car ils s’inquiètent de la concurrence déloyale qu’il pourrait générer. En effet, les coûts de production sont moins élevés, et les normes sanitaires moins exigeantes au Canada qu’en Europe.
Or le Canada pourra exporter plus de 60 000 tonnes de viande bovine, et 80 000 tonnes de viande porcine sur le marché européen. “Le modèle nord-américain est basé sur de très grandes exploitations [des feedlots, ou parcs d’engraissements, ndlr] qui contiennent des dizaines de milliers de bêtes, et il autorise la culture d’OGM et l’utilisation de farines animales, ainsi que d’antibiotiques activateurs de croissance qui sont interdits en Europe. Au-delà des risques sanitaires, cette mise en compétition contraint notre modèle, moins productiviste, plus à échelle humaine, avec une partie d’agriculture familiale, à intensifier sa pratique, ce qui n’est pas sans effet sur la qualité des produits, et sur la vie des paysans”, souligne Maxime Combes.
De plus, cette démarche serait contradictoire avec une demande croissante de relocalisation de l’agriculture et de protection d’un mode d’élevage familial et herbager. Comme le pointait du doigt Paul Magnette, chef de file du parti socialiste (PS) en Wallonie, l’enjeu est donc aussi environnemental : “Est-ce que cela a du sens de continuer à promouvoir des échanges notamment sur des produits agricoles, à l’époque où l’on prétend être les champions du monde en matière de changements climatiques ?”.
Quelles conséquences pour l’environnement ?
Alors que les gouvernements rivalisent de professions de foi écologistes, et verdissent volontiers leurs discours, quel est le sens du CETA ? En effet, celui-ci pose plusieurs problèmes. Il favorise d’une part l’importation en Europe de pétrole canadien (en hausse de 63 % durant la première année d’application), et stimule donc la croissance de ce secteur particulièrement polluant. La transition énergétique serait donc mise en danger. De plus, “quand on intensifie les échanges commerciaux, on intensifie des modes de transports qui ne sont pas sans impact sur l’environnement”, remarque Maxime Combes, pensant notamment à l’intensification des échanges par bateau et avion (même si l’empreinte carbone du CETA est difficile à mesurer).
Plus de droits pour les multinationales ?
Un autre aspect très contesté du CETA réside dans la mise en place d’un mécanisme d’arbitrage entre entreprises et Etats. En clair, comme l’explique La Tribune, ce système “offre la possibilité à une multinationale investissant à l’étranger de porter plainte contre un Etat qui adopterait une politique publique contraire à ses intérêts”. Maxime Combes estime que cela donne des « droits exorbitants » aux multinationales, contradictoires avec l’intérêt général : “A travers ces tribunaux d’arbitrage, on a corseté et fortement réduit la capacité d’action des pouvoirs publics pour mener à bien une politique écologiste et sanitaire. Le CETA renforce un déséquilibre majeur entre le droit privé commercial et l’exigence climatique et sociale”. Un exemple par le passé le prouve : la loi Hulot sur les hydrocarbures, “vidée de sa substance suite à la menace d’une entreprise pétrolière canadienne”, explique Maxime Combes.
La porte ouverte aux farines animales et aux antibiotiques ?
Enfin, comme l’explique Le Monde, le CETA n’empêchera pas la vente en Europe de bœufs canadiens nourris aux farines animales et dopés avec des antibiotiques. ou d’organismes génétiquement modifiés (OGM). Certaines protéines animales transformées, utilisées par les éleveurs canadiens, sont interdites dans l’Union européenne au nom de « principe de non-cannibalisme » (un bœuf ne peut manger des restes d’un autre bœuf). Mais les règlements européens sur l’importation bovine ne disent rien à ce sujet.
De même, au nom du principe de précaution, l’utilisation d’antibiotiques pour stimuler la croissance des bêtes est interdite en Europe depuis vingt ans. Mais aucune règle n’interdit aujourd’hui que des viandes de bœufs ainsi « dopés » arrivent en France. “Il n’y a pas d’interdiction stricte d’importer du bœuf nourri aux antibiotiques ou farines animales”, conclut Maxime Combes.
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