On se fait un jap’ ? Ok, mais pas n’importe comment. Des règles bafouées aux restaurants qui ne respectent ni même ne connaissent vraiment l’art et la manière de préparer des sushis, voici une liste presque exhaustive des do’s and don’t’s du consommateur de mets nippons.
A moins que vous ne soyez un hipster super cool arborant t-shirt Supreme, anneau dans le nez, et ne consommant que de véritables rāmen chez Naritake ou Ippudo, il y a fort à parier que votre expérience de la gastronomie japonaise se cantonne à un menu C4 composé d’une salade de chou, d’un bol de soupe miso, de california makis, de brochettes de fromage entouré de boeuf, et d’un verre de « saké » avec une meuf à poil certifiée 1984 au fond.
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Or tout ceci n’a malheureusement qu’un rapport très hypothétique avec l’archipel nippon. Les restos japonais en France, c’est une expérience culinaire absurde où tout le monde, du cuisinier au client, fait un peu sa vie comme il l’entend…
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La majorité des restos japonais… sont tout sauf japonais
Les Français sont les plus gros consommateurs de sushis en Europe. Plus de 1600 restaurants en proposent, dont les deux-tiers rien qu’en Île-de-France. Presque tous d’anciens traiteurs chinois reconvertis après que le poisson cru soit devenu à la mode en occident dans les années 90. Par conséquent, très peu de chances que la personne qui prendra votre commande soit japonaise.
Il n’est donc pas rare que les kanjis griffonnés ça et là pour faire joli dans la salle où vous venez d’entrer soient totalement random, que la carte propose des buffets à volonté (concept assez peu répandu au Japon) ou des nems vietnamiens ou des samoussas pendjabis ou des tarifs se terminant en 8 (chiffre porte-bonheur en Chine, mais dont les Japonais n’ont que faire).
Ce n’est pas très grave. D’une part, parce que les kanjis, les sushis, et les rāmen, à la base, c’est Chinois. Et d’autre part, parce qu’en temps que convive, vous vous apprêtez à commettre tellement de manquements à l’étiquette qu’un véritable cuisinier nippon passerait ses journées à se faire mentalement hara-kiri derrière le comptoir de son restaurant de Bécon-Les-Bruyères. Heureusement, le natif du Hunnan qui roulera vos makis a à peu près autant de respect pour la culture japonaise qu’un Dublinois pour la Couronne d’Angleterre. En effet, les sushis et les yakitoris sont deux spécialités culinaires bien différentes qu’on ne mange pas aux mêmes occasions, ni dans les même restaurants. Un menu sashimi/brochettes, c’est à peu près l’équivalent d’un menu moules/raclette.
Do it Yourself : les baguettes, les brochettes et l’étiquette
Les sushis et autres plats de poisson cru se dégustent soit dans des sushiyas, formels et haut-de-gamme, à l’étiquette bien particulière (nous y reviendrons), soit dans des kaiten-zushi, genre de fast-foods familiaux avec des tapis roulants. Les sushis, makis et sashimis qu’on y trouve ne contiennent ni avocat, ni graines de sésame, et finalement assez peu de saumon. Par contre, on aura beaucoup d’omelette, de thon, d’anguille, de poulpe, de seiche, d’oursin, de poissons étranges et de fruits de mer insolites. Les Japonais ne consomment des sushis qu’occasionnellement, et à la maison, on mange plutôt des ragoûts de curry sucré (kari) préparés par la mama-san.
Les teriyakis et yakitoris quant à elles, sont des brochettes dévorées un peu partout, dans la rue, dans des stades, à la va-vite ou sur le pouce. Pas de fromage entouré de boeuf (la version japonaise d’un burrito Nutella/Pont-L’Evêque), ni de boeuf tout court d’ailleurs, mais beaucoup de volaille. Sous toutes ses formes. Brochettes d’intestins d’oiseau, de foies, de peau grillée croustillante, de cartilages, de croupions, de coeurs… Ah, et vous ne voulez pas savoir ce qu’il y a dans les « boulettes de volaille ».
Autant pour les brochettes, on fait un peu comme on le sent, autant pour le poisson, tout est très ritualisé, que ce soit dans un sushiya de luxe ou un kaiten-zushi/Hippopotamus:
– Mélanger le wasabi (qui n’en est réellement que dans certains restaurants très haut de gamme de Paris, pour les autres, c’est pâte de raifort et colorant vert) à la sauce soja revient à saucer son assiette avec son pain. C’est pratique, mais ça ne se fait pas. On met un tout petit peu de wasabi sur la partie poisson du sushi.
– Pas trop de wasabi. Normalement, les sushis et sashimis sont déjà assaisonnés. Il ne faut pas faire disparaitre le goût du poisson. Rajouter trop de wasabi risque d’offenser le chef. Et le chef tient un grand couteau.
– Pour les mêmes raisons, on ne porte pas de parfum trop fort. Un sushi se déguste aussi avec le nez. Le mélange poulpe/Axe Dark Temptation risque de plonger vos voisins dans une profonde haine de l’Humanité.
– Tremper ses sushis/makis/sashimi dans la sauce sucrée = vider un tube de chantilly sur une assiette de choucroute. Sauce salée uniquement, barbare.
– On mange les makis et les sashimis avec les baguettes, mais on peut manger les sushis avec les doigts. On le prend par le riz avec le pouce et l’index, on le trempe délicatement dans la sauce soja coté poisson, on lève la tête et on l’avale en une bouchée. Il faut que le poisson soit contre la langue et le riz contre le palais afin de profiter pleinement du subtil équilibre de saveurs créé par le chef.
-Il ne faut jamais tremper le riz du sushi dans la sauce soja, encore moins l’imbiber de sauce (ce qui détruirait tout le travail du chef). Quand votre sushi se décompose lamentablement dans votre bol de sauce sucrée rempli à ras bord, que vous pataugez dedans avec vos baguettes, et que vous en foutez encore plus partout en essayant de rattraper le coup, tout le monde dans le restaurant perd la face et a envie de mourir.
– Il y a un ordre de dégustation, qui va du plus doux et neutre au plus fort et savoureux : on commence par les poissons blancs (sole, maquereau, anguille), puis par les rouges (thon), pour avancer vers les saveurs plus umami (saumon, oeuf de saumon, thon gras), et terminer sur les sushis à l’omelette en guise de dessert. Les makis se commandent à la fin pour grignoter, et signifient au chef que vous êtes prêt à recevoir l’addition.
– Et le gingembre en tranches, à coté des sushis, à quoi ça sert ? On le mange entre chaque sushi, pour se laver la bouche du goût du précédent et mieux apprécier les différentes sapidités.
– Quant à la soupe miso, ce n’est pas une entrée mais un petit en-cas final pour faire couler le tout.
– Le bol de riz blanc: verser de la sauce sucrée dedans, c’est aller dans un restaurant italien et vider un pot de sauce tomate pour se faire des coquillettes au ketchup. On prend un peu de riz avec ses baguettes, et on le trempe dans le petit bol de sauce soja (salée bien sûr).
– Planter ses baguettes dans le bol de riz = littéralement envoyer par la poste un petit cercueil à la personne d’en face. Cela évoque l’encens qu’on allume pour les défunts. C’est une menace de mort ouverte, un truc que se feraient des Yakuza avant de se bolosser au katana dans l’arrière-cour.
– On ne laisse pas de riz dans le bol, c’est insultant. Mais en Chine, ça signifie au contraire qu’on a tellement bien mangé qu’on en peut plus, donc on va dire que ça passe.
– On empile pas les plats après avoir fini, parce qu’on n’est pas à la cantine: il faut remettre les assiettes dans la disposition de départ. Et on range ses baguettes dans le petit sachet, (même les jetables, oui). Cela évitera à celui qui va débarrasser de toucher la partie qui a été dans votre vieille bouche entartrée.
– Remerciez le chef et partez. Par respect pour les autres clients on ne s’éternise pas dans un sushiya une fois qu’on a fini.
Vous avez maintenant toutes les cartes en main pour passer pour un fou furieux la prochaine fois que vous mettrez les pieds dans le restaurant japonais de votre quartier. De rien.
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