On a joué à « Fallout 4 » : jeu immense et excitant à l’univers passionnant, à l’atmosphère géniale et à l’esthétique aboutie, il est une aventure épique aux choix infinis. En partenariat avec Bethesda.
En termes narratifs, on appelle cela une « attaque en force ». Vous êtes le 23 octobre 2077, quelque part près de Boston. Homme ou femme, ce sera à votre convenance, vous coulez avec votre conjoint et votre fils des jours apparemment tranquilles dans un bled banlieusard et anonyme d’une Amérique fantasmée, version robotique, atomique et exagérée de ce que les Etats-Unis réels ont pu rêver d’être dans les années 50. Quelques minutes après les premiers instants courts et innocents de ce Fallout 4, BOUM ! BADABOUM !, même : une déflagration nucléaire balaie votre bonheur très, très éphémère, vous vous réfugiez dans la précipitation et la panique dans un abri dont vous ignorez tout, et on vous met en sommeil.
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210 ans plus tard, vous vous réveillez en plein inconnu et en plein cauchemar : sous vos yeux et en face de votre impuissance cryogénisée, des inconnus tuent votre mari ou votre femme, et kidnappent votre fils.
Perdu, vous vous réveillez en plein inconnu et en plein cauchemar pour découvrir la coquette Nouvelle Angleterre transformée en terre désolée, irradiée, rouillée, inhospitalière, brutale, pays à l’opposé exact de celui dont vous êtes originaire, une terre crasse, pullulant de créatures mutantes, d’indicibles monstruosités, de communautés improvisées, de survivants plus ou moins sains, d’embryons de civilisations renaissante, de villes fantomatiques et squattées, de factions rivales aux règles morales et aux motivations propres et souvent antinomiques.
Vous vous réveillez en plein inconnu et en plein cauchemar mais l’excitation est immense, instantanément sublimée par une réalisation très solide, et notamment par une recherche esthétique incroyable d’évocation, entre réminiscences dégradées d’un passé magnifique à jamais perdu et les réalités salopées d’un monde désormais sordide, entre le rêve scientiste et la dévastation humaine qu’il a fini par produire.
Vous vous réveillez en plein cauchemar mais l’excitation est immense : le jeu commence véritablement pour vous.
Âme perdue dans un Commonwealth dont il vous faudra, quête par quête, quête annexe par quête annexe, ville par ville, personnage par personnage, territoire par territoire, collectivité par collectivité, menace par menace, dessiner les contours, les enjeux, les règles, les irradiations, les dangers ou les excitations, allez-vous choisir d’errer avec votre fidèle chien, présence rassurante, charnelle et normale dans un univers illogique et effrayant ? Ou vous baladerez-vous en compagnie de l’un des innombrables personnages secondaires que vous croiserez lors de vos pérégrinations, chacun doté d’une histoire, d’une personnalité, d’un passé propre ?
Préférerez-vous aller droit au but et ne suivre que la quête principale ? Ou allez-vous explorer les dizaines de quêtes annexes, d’une qualité narrative parfois remarquable, que proposent le jeu, ses personnages et ses lieux innombrables ? Vos choix ayant des parfois conséquences irrévocables sur la suite de votre parcours, ne verrez-vous qu’un seul des chemins qu’offre Fallout 4 ou profiterez-vous de la grande rejouabilité d’un jeu pourtant déjà riche comme Midas pour retenter l’aventure, d’une manière cette fois différente ?
Alors que s’accumule l’expérience et les points qui vont avec, allez-vous choisir d’être très fort ou très intelligent, très charismatique ou très endurant, très chanceux ou très agile, très perceptif ou un peu de tout cela à la fois, quelles spécialités dans quels domaines allez-vous choisir -en somme, quel type de joueur et de jeu désirerez-vus jouer ? Armé d’une pétoire de fortune ou de l’une des armes de destruction plus massive que vous obtiendrez plus tard dans le jeu, éventuellement bricolés et améliorés par vos soins, quels ennemis allez-vous choisir, quels amis allez-vous servir, quelle camarades allez-vous trahir ? Quelle faction sera votre alliée ? Que découvrirez-vous sur l’omniprésent et inquiétant Institut, dont on ne vous dira rien ici ? Préférerez-vous voler ou négocier ? Tuer ou épargner ? La confrontation ou l’évitement ? Le charme ou le sarcasme ? Allez-vous vous amuser quelques heures à bâtir, avec les tonnes de matériels divers récupérés ici ou là et notamment sur les cadavres, votre propre communauté via le module dédié qu’inclut Fallout 4 ? Ou choisirez-vous d’ignorer absolument vos congénères paumés, de les abandonner aux pillards et à la terreur, sans eau, sans défense ni électricité ?
Au combat, prendrez-vous de la drogue, boirez-vous de l’alcool ou préférerez-vous la sobriété et l’absence d’effets secondaires ? Donnerez-vous sa dose à la vieille junkie illuminée ou achèterez-vous la vôtre à un dealer traînant sa chimie dans un coin interlope ? Vous contenterez-vous de vous requinquer (et de vous irradier) avec la viande radioactive prélevée sur les bestioles que vous abattrez, ou allez-vous faire pousser vos tomates et votre blé ? Allez-vous être une ombre furtive et létale ou allez-vous foncer dans le tas, la baïonnette au fusil et la témérité à la manette ? Allez-vous vous attaquer à plus fort que vous ou esquiverez-vous les conflits trop ardus, au risque de passer à côté d’objets rares, de rater quelques missions, de ne pas tenir quelques promesses ?
Allez-vous vous balader dans le silence inquiétant des terres désolées ? Ou dans un contraste étrange, drôle et presque gênant avec la brutalité et la sauvagerie qui s’imposeront à vous, en simple spectateur ou en acteur, allez-vous défourailler du .38 sur fond de musique classique ou, mieux encore, au son d’une radio géniale et très à propos diffusant, entre deux commentaires narquois d’un animateur dépressif, des classiques 40s et 50s où se croisent notamment The Wanderer de Dion, The End of the World de Skeeter Davis (reprise il y a quelques années, en version atrabilaire et véritablement apocalyptique, par la géniale Anika), I Don’t Want to Set the World on Fire des Ink Spots, Atom Bomb Baby des Five Stars, Uranium Fever d’Elton Britt ou Easy Living de Billie Holiday ?
Ça fait beaucoup de questions, n’est-ce pas ?
Sachez qu’il s’en pose des centaines dans Fallout 4. A chaque instant, à chaque embranchement, à chaque fois que vous le voudrez. Et que c’est sans doute l’un des grands points forts d’un jeu ayant trouvé un bel équilibre, meilleur encore que celui du pourtant déjà excellent Fallout 3, entre l’excitation de l’action pure (notamment grâce au système ultra-plaisant de SVAT, visée ralentie permettant de très jolis coups tactiques) et celui du jeu de rôle pur, dur et dense. Dans ce monde ouvert, gigantesque et d’une richesse ahurissante, un océan de possibilités et de choix, de choix de jeu, de choix de vie, de choix de style, de carrefours narratifs, de décisions morales s’offre ainsi en permanence à vous : Fallout 4 est à la fois un jeu au sens propre et direct et une gigantesque boîte à outil, un bac à sable encore vierge à conquérir, manipuler, habiter ou réinventer selon vos souhaits.
L’autre force majeure de Fallout 4 est l’atmosphère incroyable dans laquelle, comme ses prédécesseurs, il place le joueur. C’est à la fois âpre et drôle, perturbant et enivrant, rétro et futuriste, glauque et grandiose, bourré de références, de détails terribles et innombrables, invisibles à celui qui n’y prêtera pas l’attention qu’ils méritent. Vous serez récompensé par un bruit de caisse enregistreuse à chaque mort que vous sèmerez, vous croiserez lors de vos balades angoissées de nombreux mannequins, angoissants et incongrus, fantômes inanimés d’un monde perdu, certaines goules, sortes de morts-vivants irradiés attaquant en meute à la Waking Dead, sont nommés par leur nom d’avant l’atome, rendant leur exécution moralement un peu délicate, vous n’échapperez nulle part à la présence inquiétante, stalinienne, orwellienne, de l’iconique Vault Boy et de ses slogans totalitaires (« Extermination is everyone’s job »). Etc. etc. etc. : chaque heure de jeu, chaque avancée propose ses surprises, ses nouveautés, ses trouvailles réjouissantes et inventions flippantes consolidant, avec autant d’humour que de noirceur, l’univers déjà passionnant de la série Fallout.
Univers captivant dans sa globalité comme dans ses détails, doté d’un gameplay excitant et sans accroc, Fallout 4 est un jeu passionnant et rapidement obsédant, une formidable aventure épique et semble-t-il infinie, une expérience morale profonde, parfois perturbante, et une œuvre esthétique totale, incroyablement aboutie.
Fallout 4, disponible sur XBox One, PS4 et PC. Site officiel.
En partenariat avec Bethesda.
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