Michel Houellebecq, invité d’“On n’est pas couché”, s’est révélé assez peu convaincant dans son attaque contre “Le Monde”, qui lui avait consacré cet été une longue enquête.
Enfin on allait savoir… Michel Houellebecq avait accepté l’invitation de Laurent Ruquier sur le plateau d’“On n’est pas couché”, sans doute rassuré par la présence de son ami Yann Moix, et il allait nous livrer le fin mot de l’histoire, la cause profonde du conflit qui l’oppose au journal Le Monde, coupable, selon lui, d’avoir publié une longue enquête en six épisodes, intitulée “Les six vies de Michel Houellebecq” et signée Ariane Chemin. Qui n’a pas obtenu un mot du romancier.
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Par l’envoi d’un mail collectif, il est allé jusqu’à exiger de ses proches qu’ils adoptent la même attitude devant une enquête qu’il juge hostile et infondée. MH préfère désormais s’exprimer longuement dans les colonnes du Figaro Magazine et il a fini par menacer Le Monde de poursuites.
Mais pourquoi, au juste ? Samedi soir dernier, le mystère est resté entier. Au lieu d’entonner l’air – plutôt légitime, me semble-t-il – du “Je suis un artiste et je n’ai rien à me reprocher, après tout, alors qu’y a-t-il à enquêter et pourquoi m’emmerde-t-on ?”, laissant ce système de défense à Moix, MH s’est contenté de répéter qu’il trouvait Chemin “nulle” et ses livres aussi, bourrés d’erreurs factuelles, avec comme exemples peu convaincants une sombre histoire de dîner avec Sarkozy où MH n’aurait pas mangé de risotto mais autre chose et une réunion de crise le 7 janvier qui se serait tenue chez lui et non chez Flammarion. C’est peu et l’honneur journalistique d’Ariane Chemin s’en remettra sans peine.
Même si je dois avouer que cette série, censée “raconter l’univers d’un écrivain” – déjà assez méthodiquement ordonné, balisé et surjoué par l’écrivain lui-même – laissait le houellebecquien fervent un peu sur sa faim et dubitatif quant à sa nécessité même. Encore que j’ignorais cette vieille et drôle interview croisée entre Helena Noguerra et MH dans 20 ans ; comme j’ignorais que MH est copain avec le dénommé Laurent Obertone (La France orange mécanique, beurk), assez copain pour l’inviter à la table de Sarkozy manger autre chose qu’un risotto.
De Maurice Nadeau au Fig Mag
Mon petit doigt et ce genre de cailloux blancs semés ici et là me font penser que le vrai sujet de l’enquête d’Ariane – son sujet “en creux”, comme on dit – n’était autre que le glissement progressif de MH d’une gauche aussi désenchantée qu’on voudra des années 90 à une droite bien dure, voire volontiers islamophobe, des années 2010.
Commencer par être édité chez le cher Maurice Nadeau pour finir par converser avec Finkielkraut dans le Fig Mag dessine un parcours politique, je l’admets. Mais s’il s’agissait bien de cela, peut-être aurait-il fallu l’angler plus franchement et tenter de le démontrer. Comme le font nombre de mes amis qui ne supportent pas – ou plus – MH. Alors que je persiste à le lire et le relire.
Peut-être parce qu’il n’est pas, figurez-vous, le premier grand écrivain français à se dire “conservateur”, voire franchement réac, et qu’il est trop grand écrivain, et trop grand ironiste, pour être réduit à ce prurit-là ; sans doute parce qu’il est l’exact contraire de l’éditorialiste vitupérant pour chaîne info auquel on voudrait le réduire.
MH manie très bien les idéologies des autres et l’air du temps, c’est son génie. Mais il est systématiquement et comiquement à côté de la plaque dès qu’il parle politique et il fallait voir la consternation du plateau quand il s’est mis à expliquer que Hollande était pressé de ne plus être président de la République. Il s’est vite repris : “On n’écrit pas pour communiquer ses pensées, vous savez, et un livre ne s’écrit pas avec des jugements. Moi, je dis ce qui fait peur aux gens. Je retranscris ce qu’ils ont dans la tête. C’est ça, mon boulot.” Là, on y était. Enfin.
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