Le réseau social a annoncé vouloir renforcer sa guerre contre le « clickbait » pour faire plus de place aux articles « sincères ». Une décision honorable sur le papier, qui réaffirme toutefois le droit de vie ou de mort de Facebook sur les sites d’info.
« Elle se présente devant le juge sans pantalon, la suite va vous surprendre!« , « Ce pilote de F1 a célébré son podium de façon un peu écœurante« ,… Vous avez sûrement vu ce genre de titres défiler sur Twitter, Facebook, Google Actu ou sur les pages d’accueil de certains sites d’info. On appelle ça le « clickbait » ou « piège à clics », qui consiste à formuler un titre de manière opaque, sans donner assez d’informations au lecteur, pour le pousser à cliquer sur l’article. L’objectif est d’augmenter ainsi le nombre de visiteurs d’un site internet et de gonfler artificiellement son audience, quitte à ce que les internautes referment la page à peine quelques secondes plus tard.
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Un des sites à avoir popularisé ce phénomène s’appelle Upworthy. On y trouve depuis des années des titres comme « Cet homme explique pourquoi les femmes ne s’intéressent pas à lui. Au début vous allez lever les yeux au ciel, mais après deux minutes… ». Une phrase immense mais qui pique la curiosité des lecteurs à tous les coups. Cette pratique est devenue tellement régulière que des sites parodiques ont été lancés pour s’en moquer. Sur « Upworthy Generator« , il est possible de concevoir aléatoirement des titres typiquement « clickbait » comme « Essayez de ne pas pleurer quand vous entendrez le premier mot et la deuxième phrase » ou « Je ne regarderai plus jamais cet ado extraverti de la même manière ».
Facebook a droit de vie ou de mort sur les médias
Pour lutter contre la prolifération de ces titres racoleurs, Facebook — dont la majorité des médias dépendent pour toucher leur lectorat — a réitéré son envie de réduire la visibilité des articles qui utilisent ce procédé. Dans un communiqué posté le 4 août 2016, deux chercheurs de la multinationale ont expliqué que l’algorithme du fil d’actualité de Facebook serait à nouveau modifié pour que les « pièges à clics » soient relayés au second plan. D’après eux, cela répondrait avant tout à une envie des membres de Facebook qui souhaiteraient voir plus d’articles « sincères » et moins de posts « trompeurs » sur leur newsfeed.
En 2014 déjà, Facebook avait annoncé réduire la visibilité des pages sur lesquelles les internautes cliquent mais ne restent que quelques secondes. Cette fois, l’algorithme sera modifié pour « reconnaître les phrases couramment utilisées dans les articles clickbait », à partir de milliers de titres qui ont été analysés par une « équipe » au sein de Facebook.
Si la décision de Facebook semble honorable — quel lecteur regretterait de la disparition des pièges à clic? —, ce communiqué prouve encore une fois que la multinationale américaine a droit de vie ou de mort sur les sites d’information. Si un média refuse de se plier à la nouvelle règle imposée par le réseau social, il verra mécaniquement le « reach » de ses posts baisser. Cela signifie que les articles qu’il poste seront moins mis en avant sur les fils d’actualité de ses abonnés.
Evidemment, Facebook a pris soin de rassurer les médias « sérieux » : « Si vous postez cinquante fois par jour et qu’il y a un piège à clic parmi tous les articles, cela ne devrait pas avoir d’effet sur vous », a souligné un cadre de la firme, Adam Mosseri, à TechCrunch. Et de préciser que l’entreprise de Mark Zuckerberg ne rendra pas publiques les règles exactes mises en place pour définir les « appâts à clics » car « sinon ‘ils’ réussiront à les renverser pour les contourner« .
L’algorithme reste opaque
Cette annonce montre également combien, même si la firme fait des efforts pour se donner des airs de transparence, l’algorithme de Facebook reste opaque. En mai dernier, un article du site américain Gizmodo avait fait grand bruit, lorsqu’un journaliste avait rencontré des anciens employés (embauchés en freelance) de la multinationale qui admettaient avoir supprimé manuellement certains articles de presse à tendance « conservatrice » de sa colonne « Trending » ou, à l’inverse, avoir « injecté » des papiers dans ladite colonne même si ceux-ci n’étaient pas populaires.
Ironie de l’histoire, Facebook a créé des captures d’écran de faux-exemples de ce qu’est un article « clickbait », et l’un d’entre eux provient d’un site imaginaire qui s’appelle « Gizmotecho.com ».
Goguenards, les équipes de Gizmodo ont répondu avec un court billet intitulé « Hey Facebook, ça s’écrit G-I-Z-M-O-D-O », et ont précisé avoir acheté le nom de domaine Gizmotecho.com pour 3 dollars. Lorsque l’on clique dessus aujourd’hui, le lien renvoie vers… l’enquête de Gizmodo sur la modification manuelle de la colonne Trending de Facebook.
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