Prototype du nolife, Mark Zuckerberg a créé le réseau social le plus fréquenté de la planète. Un paradoxe exploré dans une biographie La Revanche d’un solitaire adaptée au cinéma par David Fincher.
Face à l’entreprise chimérique que constitue la biographie d’un jeune homme de 25 ans, se dresse l’évidence écrasante de son empire. Mark Zuckerberg apparaît encore aujourd’hui tout entier habité par le projet qui l’a fait exister.
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La Revanche d’un solitaire s’intéresse à la trajectoire singulière de ce jeune “milliardaire par accident” (titre original du livre) dans laquelle l’auteur, Ben Mezrich, a vu, à raison, matière à fiction.
Très critiqué, celui-ci prévient dans une préface : il s’agit de faits réels dont certains détails ont été romancés.
“J’admire ce qu’il a accompli, j’ai essayé de ne pas prendre parti”, explique t-il.
Cette biographie dessine, à travers ceux qui le connaissent ou l’ont fréquenté, comme Eduardo Saverin, son ami et cofondateur de Facebook licencié sans ménagement, le portrait de Mark Zuckerberg, qui en est le grand absent.
“Il ne voulait pas que je fasse ce livre ni que je parle à son entourage. Chez Facebook, ils étaient très en colère, ils m’ont même appelé “le Danielle Steel de la Silicon Valley”.”
La figure de ce jeune homme d’abord renfermé est et restera celle d’un nolife, l’archétype du puceau débraillé et asocial.
“Mark n’est pas “normal”, il est trop intelligent pour bien fonctionner socialement. Et, ironie, il préfère encore Facebook à ses amis. Mais il vit toujours modestement pour un milliardaire”, estime Ben Mezrich.
Merveilleuse synchronie, Facebook comme outil d’autopromotion croîtra en même temps que l’épanouissement de son créateur.
Programmeur et hackeur génial, Zuckerberg a très tôt polarisé l’attention sur le net : héros malgré lui puis cible de toutes les railleries et critiques, son capital de sympathie a décliné à mesure que sa notoriété progressait.
La mythologie entourant Facebook placerait néanmoins son jeune créateur dans la nomenclature très fermée des grands du web, aux côtés des fondateurs de Google ou de Yahoo.
La genèse du site mis en place en 2004 par cet étudiant en informatique et psychologie de 20 ans, entouré d’amis et colocataires, a d’abord connu des phases d’essais et de brouillons (CourseMatch, Facemash).
Le processus créatif, en concordance parfaite avec son environnement universitaire, place la frustration sexuelle et la drague comme motivations premières de ce trombinoscope interactif.
Avec le campus de Harvard et son fonctionnement ritualisé comme centre névralgique, la diffusion virale que l’on connaît suivra, contaminant d’autres universités jusqu’à devenir le réseau social aux 350 millions d’utilisateurs.
Le livre s’achève en Californie, où la jeune compagnie viendra s’établir et asseoir sa conquête, avec ses aspects les plus corporate.
Depuis, l’expansion de l’entreprise est émaillée de controverses qui lui aliènent peu à peu ses utilisateurs, comme récemment sur la notion de vie privée.
“Globalement, Zuckerberg a fait du bon travail comme pdg. Facebook sera racheté ou deviendra une société cotée”, analyse aujourd’hui l’auteur.
Le livre permet aussi de mesurer ce que cette revanche des geeks a pu avoir de jubilatoire avant qu’elle ne vienne imposer, à son tour, son propre système normatif.
L’ambition que formule Zuckerberg n’est pas uniquement financière (il a jadis refusé un million de dollars de Microsoft), persuadé, à tort ou à raison, que le partage d’informations et le réseau oeuvrent pour le bien commun.
Si elle éclaire peu la nature de Facebook, cette lecture, intéressante à l’aune de ses récents revers de fortune, mêle également deux genres littéraires balisés : la success story édifiante et le récit d’émancipation à la fac.
Tout indiqué pour un college movie réussi. David Fincher ne s’y est pas trompé en réalisant un film, The Social Network, avec Jesse Eisenberg et Justin Timberlake dans les rôles principaux.
La Revanche d’un solitaire – La véritable histoire du fondateur de Facebook de Ben Mezrich (Editions Max Milo, 318 pages, 19,90 €)
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