Testé dans six pays, le nouveau fil d’actu de Facebook suscite l’inquiétude des médias et illustre leur dépendance. L’alternative existe-t-elle ?
Si vous avez l’âme d’un explorateur, ce nouveau fil d’actu (“feed”) n’attend plus que vous (préparez votre lampe frontale). En revanche, si vous êtes plutôt du genre à vous complaire dans le confort moelleux de l’habitude, il y a fort à parier que vous passerez à côté des futures publications de vos médias favoris.
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Et c’est bien ce qui inquiète plusieurs acteurs collaborant avec la plate-forme. Nommé Explore Feed, ce fil relègue les publications des médias sur un fil secondaire. Il est actuellement testé dans six pays : Slovaquie, Sri Lanka, Serbie, Guatemala, Cambodge et Bolivie.
73 % des 18-24 ans s’informent sur les réseaux sociaux
Si le responsable du fil d’actu du bébé bleu de Mark Zuckerberg a affirmé qu’il n’était “pas prévu d’étendre ce test à d’autres pays ni de faire payer les pages pour apparaître dans le fil d’actu standard ou dans Explore”, les articles s’alarmant de cette expérimentation se multiplient en France. A l’heure où 73 % des 18-24 ans déclarent s’informer via les réseaux sociaux (étude menée par l’Observatoire du webjournalisme et publiée par Slate.fr), l’enjeu est conséquent pour les médias.
L’arrivée de la plate-forme aux 1,15 milliards d’utilisateurs quotidiens a en effet bouleversé la consommation de l’info, les sites d’actu voyant une large part de leur audience – et de leurs revenus – drainée par Facebook. Le rédacteur en chef de Francetvinfo.fr, Thibaud Vuitton, explique que “15 % de l’audience du site vient des réseaux sociaux, dont 90 % de Facebook”.
Payer pour être mis en avant ?
A titre de comparaison, un journaliste slovaque, qui a lancé l’alerte sur Medium, raconte qu’au fil du test, les soixante médias les plus suivis sur Facebook en Slovaquie ont subi “une baisse spectaculaire de leur portée organique”, ainsi qu’un recul conséquent des interactions sur les posts – quatre fois moins. Reste une solution : payer pour des publications sponsorisées. De quoi renforcer la dépendance déjà plus qu’effective de la plupart des médias à la plate-forme.
Un constat partagé par Johan Hufnagel, ex-numéro 2 de Libération qui a rejoint Loopsider, un nouveau média vidéo qui devrait miser sur les réseaux sociaux. Le journaliste va même plus loin : “La plupart des médias sont dépendants de tout le monde : de la pub, de Facebook… Cela doit nous pousser à être plus innovants et malins.”
“Si demain ils veulent changer radicalement la façon de travailler avec nous, ils n’ont qu’à appuyer sur un bouton” Johan Hufnagel, ex-numéro 2 de Libération
“Il est forcément suicidaire de voir ses revenus dépendre d’une seule source”, ajoute Johan Hufnagel, pour qui la relation entre Facebook et les médias ne se fait pas “sur un pied d’égalité : si demain ils veulent changer radicalement la façon de travailler avec nous, ils n’ont qu’à appuyer sur un bouton”. D’où la nécessité de tout mettre en œuvre afin “de ne pas être les esclaves de cette plate-forme, en apprenant notamment comment elle fonctionne”. Le tout en “envisageant toujours d’autres canaux de distribution”.
Miser sur les autres plates-formes
Thibaud Vuitton est sur la même ligne : “La plupart des sites ont en tête le fait que ça pourrait poser problème si un jour Facebook prenait une décision radicale. On réfléchit donc à d’autres leviers.” Miser sur toutes les plates-formes – Twitter, Instagram, le référencement Google, Apple News… –, mais surtout parier sur la “fidélisation de l’audience” en proposant des contenus de qualité. Il fait d’ailleurs la différence entre les médias classiques et les nouveaux médias 100 % réseaux sociaux, “qui eux sont tributaires de Facebook”.
C’est le cas par exemple de Brut, média vidéo lancé avec succès fin 2016. Guillaume Lacroix, l’un de ses cofondateurs, ne s’alarme pas du test Explore Feed, expliquant que “ça a toujours été dans la culture de Facebook d’essayer de nouvelles choses”. Et il rappelle le contexte lié à la prolifération des fake news : “Chez Facebook, ils sont conscients de leur responsabilité sociale et politique. Ils ne peuvent pas réduire leurs partenariats avec les médias car ils en ont besoin pour combattre ce problème.”
“Sans Facebook, Brut ne serait rien” Guillaume Lacroix, cofondateur du média vidéo
S’il admet que “sans Facebook, Brut ne serait rien”, il ne voit pas cela comme un souci : “On travaille main dans la main avec eux, on est en dialogue permanent sur nos besoins respectifs.” Et si la plate-forme venait à changer ou crasher, ont-ils un plan B ?
“On ne serait pas les seuls dans la panade ! Mais je ne réfléchis pas à ça : à la base, c’est un réseau social, il faut donc penser avant tout aux utilisateurs. Si Facebook change, je dois être agile, bosser, proposer de la qualité, et faire de toute façon le nécessaire pour répondre à cette logique plaçant l’internaute au centre.” En lui offrant une lampe frontale ?
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