Derrière le spectacle outrancier de Vegas, la misère. C’est ce contraste indécent que met en lumière le photographe Christian Lutz. Ses clichés, tirés du livre Insert Coins, sont à découvrir au festival ImageSingulières, à Sète. Le contraste est aussi criant que les néons de Vegas. Sous l’image écrasante d’une bimbo en bikini, un homme semble […]
Derrière le spectacle outrancier de Vegas, la misère. C’est ce contraste indécent que met en lumière le photographe Christian Lutz. Ses clichés, tirés du livre Insert Coins, sont à découvrir au festival ImageSingulières, à Sète.
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Le contraste est aussi criant que les néons de Vegas. Sous l’image écrasante d’une bimbo en bikini, un homme semble hagard. Sur ses épaules, une couverture de survie. A la main, une valise que l’on imagine contenir toutes ses affaires.
Invité il y a quelques années en résidence artistique à Vegas, le photographe suisse Christian Lutz s’est vite rendu compte de la mascarade que représente cette ville de la côte ouest des Etats-Unis, pays alors plongé dans la crise financière. Lutz a été marqué par ces « corps rejetés par l’industrie du divertissement », errants ou gisants dans les rues, à deux pas de ces casinos où l’argent coule à flot. Il a capturé sur le vif ce qu’il nomme « des apparitions ». Des êtres usés, ivres parfois, isolés souvent, noyés sous la lumière, écrasés par l’architecture tape-à-l’oeil et les palmiers.
« La plupart des personnes ne sont pas originaires de Vegas, elles y viennent pour travailler dans les casinos. Mais on connaît le système américain : si vous vous cassez le bras et que vous ne pouvez pas travailler, vous n’avez plus aucune rentrée d’argent. Vous pouvez vous retrouver rapidement à la rue », raconte le photographe. Et la particularité de cette ville, « c’est qu’une fois qu’on y est, on en repart plus ». Pourquoi ? « Si vous n’êtes pas capables de faire de l’argent à Vegas, vous n’en ferez nulle part. C’est ce que tout le monde dit là-bas. »
La misère mise en scène
Non seulement ils restent, mais les SDF sont en plus « ravalés par le système ». Ils vont « restaurer un costume de spectacle », ou mettre en avant « leurs stigmates, leurs attributs de la rue » pour récolter quelques dollars. Mettant en scène leur pauvreté, ils contribuent au spectacle. « J’ai vu un homme avec un pancarte affichant ‘Je ne vous mens pas, j’ai besoin d’une bière’. Vous ne verrez jamais ça à Paris, là bas, ça fait rire les gens. » Plus tragique : « Ici, lorsque vous voyez un coma éthylique dans la rue, vous tournez les talons, ou vous avez de la compassion. A Vegas, j’ai vu des filles, en talons, posées à côté du corps en criant ‘Yeah, it’s Vegas’. »
Malgré cette sordide réalité, se dégage du travail de Lutz une certaine poésie. Libre de se raconter l’histoire qu’il veut, le spectateur peut affronter l’inacceptable. Le photographe est connu pour ses récits visuels engagés. Sa trilogie sur la pouvoir – Protokoll, Tropical Gift, In Jesus’Name – lui ayant valu une reconnaissance internationale.
Jusqu’au 22 mai, au festival de la photo documentaire, ImageSingulières.
Livre Insert Coins. Editions André Frère. 96 pages. 29,50 €.
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