A Paris, l’exposition Dreamlands retrace la folle histoire des parcs de loisirs et leur influence sur la conception des villes modernes.
« Une utopie dégénérée” : ainsi le philosophe français Louis Marin décrivait-il en 1973 le monde merveilleux de Disney. Mais dès la fin des années 1950, c’est en des termes bien différents que le créateur de Mickey, Walt Disney en personne, passionné d’urbanisme et de nouvelles technologies, nous vantait devant la caméra sa cité de demain, Epcot, modèle du futur Disneyworld.
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Cet étonnant film publicitaire, voire de propagande consumériste est l’une des nombreuses perles de l’exposition Dreamlands qui s’est ouverte la semaine dernière au Centre Pompidou. On y retrace la folle histoire des parcs d’attractions au long du XXe siècle : de Paris et son Exposition universelle de 1889 à Dubaï, “cité des mille et une villes”, à la fois miracle et mirage, jaillie du désert et de la bulle spéculative, depuis lourdement frappée par la crise.
En faisant le tour (operator) de l’exposition, on y voyage aussi de Las Vegas à Venise, de New York à Hollywood et ses lettres géantes plantées sur la colline de Los Angeles, la ville entière faisant alors figure de décor de cinéma. On y visite enfin des espaces imaginaires conçus par des artistes fascinés eux aussi par la culture du loisir de masse : le Fun Palace de l’architecte utopique Cedric Price, Kandor City, ville natale de Superman que ne cesse de recomposer l’artiste californien Mike Kelley. Ou encore le Rêve de Vénus imaginé par Salvador Dali en 1939 pour la Foire de New York : un palais de l’inconscient et du désir, avec partie sèche et partie humide, ballet aquatique, et le fameux canapé rouge en forme de lèvres inventé par le maître du surréalisme.
Mais par-delà ces regards critiques ou magiques portés par le monde de l’art sur les cités de l’entertainment, reste le propos continu de l’exposition, d’ailleurs bien connu des spécialistes d’art ou d’architecture : comment les parcs d’attractions ont influencé l’évolution de la ville moderne.
C’est ainsi que l’architecte Rem Koolhaas publia en 1978 son manifeste New York délire, qui retrace les filiations entre le parc d’attractions Dreamland, établi à Coney Island en 1904 et les buildings de Manhattan.
Dans un autre registre, l’architecte Robert Venturi et son épouse Denise Scott Brown produisirent en 1972 une analyse confondante de Las Vegas : oasis de débauche construite en plein cœur du désert américain, où toutes les villes du monde sont reproduites en miniature, où tous les styles de toutes les époques se mélangent dans un kitsch maximal, Las Vegas est pourtant à leurs yeux le véritable modèle d’un urbanisme voué à l’automobile, à la distraction et aux loisirs.
Cette histoire ne fait d’ailleurs que commencer : si, en Europe, Paris, Rome ou Londres deviennent des villes-musées, en Asie Shanghai ou Hong-Kong offrent un spectacle son et lumière étourdissant. La ville comme dreamland, parc à thèmes touristique, film catastrophe ou blockbuster. Tournez manèges.
Dreamlands, jusqu’au 9 août au Centre Pompidou, Paris IVe, www.centrepompidou.fr
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