Onirique et singulier. Réaliste et expérimental. Nino Migliori est un artiste à l’oeuvre inclassable qui pousse à ses limites extrêmes les techniques photographiques. La Maison Européenne de la Photographie lui offre une rétrospective à l’occasion de ses 60 ans de carrière.
Nino Migliori est vu comme un “architecte de la vision”. La phrase résume bien son oeuvre et sa volonté de toujours donner à l’image une troisième dimension, comme un gage qu’elle n’est pas qu’une représentation du réel. De ses 60 ans de carrière du photographe, il est impossible de donner un résumé concis : de la camera obscura au Polaroid, du réalisme à l’abstrait, il a tout testé.
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La Maison Européenne de la Photographie lui dédie en ce moment une grande rétrospective, “La Matière des Rêves”. Condensé de 60 ans d’images, l’exposition regroupe toutes les périodes et techniques dont le photographe italien, né à Bologne, s’est servi pour documenter au mieux son travail. On commence le chemin par sa période réaliste, au début de sa carrière, puis ses expérimentations abstraites voire surréalistes avec des techniques méconnues comme l’hydrogramme ou le céllogramme. Enfin, sa période de Polaroids vient faire le pont entre abstraction et réalisme : retouchés à la main avec de la peinture, les photographies instantanées se transforment presque en tableaux impressionnistes. A travers ce parcours, on découvre la question motrice du photographe : comment la photographie influe-t-elle sur notre vision du monde ?
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Une période réaliste décisive
Quand Nino Migliori commence la photographie, il est déjà dans l’optique d’en travailler l’usage en observant ses effets dans la société. Ainsi, il se met en quête d’instants de vie, et c’est au cœur du quotidien qu’il tire ses images extraordinaires, dont les séries Gente del Sud ou Gente dell’Emilia. En noir et blanc, des images qui présentent les Italiens et la vie, tout simplement. Il l’explique ainsi à la commissaire de l’exposition, Alessandra Mauro : “J’ai commencé à faire de la photographie en 1948, on était à peine sortis de la guerre et j’éprouvais le besoin de saisir la vie, la réalité, en fixant les moments de tous les jours qui aujourd’hui nous paraissent banals mais qui, à l’époque, avaient une signification forte, liée sans doute au sentiment de liberté et à la possibilité de choisir.”
S’il y avait un mot pour décrire cette première période de sa photographie, ce serait la curiosité. Migliori documente ce qu’il voit, le stocke, parcourt le pays pour capturer le maximum d’instants de vie. Le plongeur – sa photographie d’un jeune homme allant à l’eau – est une des plus connues, mais peut-être la moins caractéristique. Le spectacle d’un jeune garçon endormi dans le fauteuil de barbier de l’échoppe où il travaille, ou alors ces enfants qui sautent d’un muret pour atterrir dans le sable sont autant d’exemples de la fascination du photographe pour l’instant présent.
Dans la veine réaliste de son œuvre, on trouvera la série “Murs” également présente à la rétrospective de la MEP. Pourquoi les murs ? “J’ai fait les “Murs” parce que je m’intéressais à l’homme, a précisé le photographe. Ce sont les seuls documents du passé de l’homme depuis les grottes d’Altamira jusqu’aux graffitis ou les peintures murales de Pompéi.”
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Deus ex-machina : quand le réel est manipulé
L’Italien a une devise : photographier, c’est choisir et transformer. Ainsi, Nino Migliori va s’atteler, assez rapidement, à poser littéralement sa patte dans sur sa photo. Un travail non pas de retoucheur mais de plasticien qui va devenir propre à l’oeuvre du photographe, comme le démontre la seconde partie de l’exposition.
Tout commence quand il construit sa propre chambre noire, dont le premier essai ne va pas être concluant… Quoique : au développement, un liquide révélateur coule de trop sur le papier sensible. Le résultat, techniquement loupé, ouvre pourtant la voie à toutes les techniques alternatives de Migliori. En découle ses œuvres les plus abstraite, transformant le réel : il fait d’un vol d’oiseaux un champ de fleurs. Il essaie des techniques variées, comme les hydrogrammes (qui utilise deux plaques de verres et de l’eau) ou les sténopéogrammes (capture du mouvement à la camera obscura) – présents dans la collection exposée à la MEP.
Nino Migliori, Série « Cinquantapersessanta », 1991 © Fondazione Nino Migliori, Bologna,
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A l’apogée du Polaroid dans les années 80, Migliori trouve une technique qui lui permet d’utiliser ses ongles et ses mains pour transformer ses images lors du développement instantané. Il arrive au stade ultime de son interaction avec son image : son corps est directement acteur de l’altération. La découverte de cette technique a une grande influence sur le travail de l’Italien. Il en fera des installations artistiques : dans une grande salle, chacun porte au cou un Polaroid que quelqu’un d’autre dans la salle aura pris de lui ; il peint directement sur l’image et crée des hybrides artistiques fascinants et empreints d’impressionnisme.
« La matière du rêve, Nino Migliori », à la Maison Européenne de la Photographie, du 17 janvier au 25 février 2018.
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