Jeudi 6 septembre avait lieu au Tribunal de Créteil le procès opposant Booba et Kaaris pour « violences aggravées » commises lors d’une altercation ayant eu lieu à l’aéroport d’Orly (Val-de-Marne) le 1er août. Le procureur a requis douze mois de prison avec sursis contre les deux rappeurs. Le jugement a été mis en délibéré au 9 octobre.
« Libérez le Duc! ». Dans la longue queue s’étant formée dans le Tribunal de grande instance de Créteil (Val-de-Marne), une jeune femme agite avec énergie un t-shirt jaune fluo arborant ce message ainsi qu’une photo de Booba. Elle ne connaîtra pas tout de suite l’issue de l’affaire : dans le cadre de leur procès pour « violences aggravées » faisant suite à leur altercation confuse à l’aéroport d’Orly, mercredi 1er août, le procureur a finalement requis douze mois de prison avec sursis contre B2O et Kaaris… et le jugement a été mis en délibéré au 9 octobre.
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Du monde s’était déplacé pour ce procès ultra-médiatique, même si l’attroupement devant la salle d’audience semblait finalement moins imposant que celui du 3 août dernier, lorsque les deux rappeurs et leurs amis avaient été placés en détention provisoire dans la foulée de leur comparution immédiate – le 23 août tous sont finalement sortis de prison pour être placés sous contrôle judiciaire. C’est peu après 13 h que les prévenus rentrent dans la salle d’audience. Booba, chemise grise à carreaux noirs bien boutonnée – et portant l’étrange inscription « Check shirt » dans le dos -, prend place, l’air détendu. Peu de temps après, c’est au tour de son rival Kaaris, qui lui arbore une chemise blanche, d’arriver. L’ambiance est très calme, malgré l’inimitié entre ceux qui, il y a à peine un mois, se battaient dans une salle d’embarquement de l’aéroport d’Orly, enjoignant la société aéroport Paris à porter plainte pour « trouble à l’ordre public avec préjudice d’image et financier » et « mise en danger de la vie d’autrui ». L’objet de l’audience d’aujourd’hui est ainsi de déterminer lequel des deux groupes a lancé en premier les hostilités, à l’heure où chacun se renvoie la balle et assure avoir agi pour se « défendre ».
« Je présente mes excuses aux personnes choquées »
La présidente commence alors à présenter chaque prévenu – ils sont onze, quatre dans la « team Kaaris » et sept dans celle de Booba – en détaillant les raisons de leur présence dans ce tribunal. Problème : arrive le tour du rappeur Daniel Toussaint, aka Gato da Bato, l’incontournable partenaire haïtien de Booba. Et il ne parle pas ou peu le français. Nul interprète n’ayant été prévu, voilà la séance suspendue, le temps d’en trouver un. Kaaris reste assis et discute avec ses avocats, tandis que Booba, lui, se lève pour aller saluer et échanger, tout sourire, avec ses soutiens. L’audience reprend : un greffier censément à peu près capable de faire la traduction a été trouvé, et accepte, bonne patte, de s’y coller. Très rapidement, il jette l’éponge, et explique qu’il n’est pas assez bon en anglais. Il part, un peu penaud, la séance est à nouveau suspendue. Une interprète finira par arriver de longues minutes plus tard – il est alors plus de 15h, et seulement les présentations ont été faites.
Les avocats de Booba et de Kaaris décident d’embrayer à propos de la garde à vue de 48 heures ayant suivi leur altercation, en dénonçant le fait qu’ils ont eu accès tardivement au dossier, alors même que leurs clients étaient déjà déferrés. L’absence initiale d’interprète est également dénoncée, ceci ne « relevant pas d’une justice française digne de ce nom ». Ils demandent un renvoi. Après délibération, la présidente décide d’ajouter ces conclusions au fond de l’affaire – l’étude de celui-ci démarrant enfin.
Il est ainsi déjà 17h quand, un à un, les prévenus sont appelés à la barre pour leur demander s’ils souhaitent faire une déclaration préalable à la diffusion des vidéos, sur lesquelles vont se baser en grande partie le jugement. Tous déclinent – Booba se fendant d’un lapidaire « non » – à l’exception de Kaaris, qui se déclare être dans une logique « d’apaisement »: « Dans un premier temps, je voudrais dire que ce qui s’est passé n’est pas bien. Je présente mes excuses aux personnes choquées. Juste avant, je faisais des photos avec des familles, des enfants… Je me mets à leur place. J’espère pouvoir montrer ce qui s’est passé vraiment. Je n’ai pas eu le choix, j’ai du me défendre. Je suis désolé. » Alors que l’on croit enfin pouvoir regarder ces fameuses images, une nouvelle suspension d’audience est demandée, le temps de « vérifier si le matériel vidéo fonctionne ».
« Je ne le touche pas, c’est un coup d’intimidation »
Les vidéos de surveillance sont finalement montrées… et elles ne sont pas très claires. Impossible depuis la mezzanine réservée à la presse de distinguer vraiment quelques chose parmi ces images floues, où tous les prévenus sont habillés en noir, gris, ou blanc. Là où une avocate de la team Booba voit un membre de celle de Kaaris « lever le bras en direction » de B2O, David Olivier Kaminski, avocat de K2A, s’énerve : « Ce que vous dites, c’est une vérité d’avocat, c’est bon! » En somme, les conseils des deux rivaux analysent les vidéos différemment, et, a fortiori, à l’avantage de leurs clients. Idem du côté des vidéos prises par les voyageurs.
Appelé à la barre, le Duc affirme qu’il apprend la présence de Kaaris et son groupe à l’aéroport et qu’il reconnaît certains des amis de son rival au niveau des contrôles de sécurité. Une fois dans la salle d’embarquement, il aurait alors vu Kaaris et trois de ses amis se lever et avancer vers lui. Se « sentant encerclé, menacé », il décide de « porter le premier coup, un coup sans conviction, je ne le touche pas : c’est un coup d’intimidation ». C’est ensuite que la bagarre aurait commencé. Kaaris, lui, a une autre version : Booba aurait « foncé dans sa direction » et l’aurait « insulté » – « lève toi salope » – de quoi l’enjoindre à se lever pour « se mettre en sécurité ». La présidente, elle, estime que, dans l’une des vidéos, « on ne voit pas [Booba] foncer sur vous, vous allez à sa rencontre ».
« J’aurais préféré prendre mon avion, aller à Barcelone faire mon concert et être payé que de me battre et d’aller en prison »
Sont aussi rappelés les différents clashs sur les réseaux sociaux des deux anciens collaborateurs, Booba ayant aidé Kaaris à lancer sa carrière. A la base amis, leurs relations se sont finalement peu à peu dégradées ces dernières années. David Olivier Kaminski, conseil de Kaaris, demande alors à Booba comment il explique « le fait de s’embrouiller avec tout le monde dans le milieu du rap : Rohff, la Fouine, Johnny… » « Johnny ?? », pouffe Booba, levant les yeux aux ciel. Et d’ajouter, pragmatique, quelques minutes plus tard : « J’aurais préféré prendre mon avion, aller à Barcelone faire mon concert et être payé que de me battre et d’aller en prison. »
DIRECT – #Booba et #Kaaris passent devant les journalistes pour une suspension de séance alors que le procès qui a commencé à 13h se poursuit. pic.twitter.com/skwMr3veks
— Clément Lanot (@ClementLanot) September 6, 2018
Peu après 22 heures, le procureur prend la parole, mettant en avant de façon appuyée le rôle des réseaux sociaux dans l’affaire : « Je crains que, dans ce contexte de bravade, ces deux leaders ont perdu toute lucidité (…) Ignorer l’autre, c’est déjà abdiquer, perdre la face, devenir non seulement la risée du camp rival mais aussi celle d’internet. Alors, la confrontation physique devient la seule issue. » Alors qu’ils encourent jusqu’à dix ans de détention, le procureur requiert finalement douze mois de prison avec sursis pour Booba et Kaaris, tandis que, pour les autres prévenus, ses réquisitions vont de huit mois ferme à la relaxe. Le jugement sera rendu le 9 octobre par le tribunal.
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