Ce 5 avril au matin, des engins municipaux assistés d’un groupe de policiers ont évacué la place de la République à Paris. Un coup de pression pour les « indignés » du mouvement « Nuit debout » ?
A 9h30 ce 5 avril, la place de la République qui bruissait hier soir encore comme un forum social à ciel ouvert a plutôt des airs de chantier. Des engins municipaux, tractopelles et pelleteuses, ont débarrassé l’esplanade des ultimes structures en dur de la Nuit debout, le mouvement d’occupation inspiré par les Indignés qui a pris ses quartiers ici depuis le 31 mars. Palettes en bois, fauteuils et autres bâches qui servaient d’abris aux plus téméraires ont été évacués. Les quelques personnes qui étaient toujours sur place ce matin ont tout juste eu le temps de sauver quelques affaires. Ils contemplent sous le soleil matinal la scène avec amertume.
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#NuitDebout évacuée ce matin à renfort de tractopelles pic.twitter.com/DQKlYIniad
— Mathieu Dejean (@Mathieu2jean) April 5, 2016
« Ce soir, il y aura deux fois plus de monde »
« Certains ont même pleuré, témoigne Adrien, 36 ans, les traits tirés par la fatigué sous la capuche de sa veste. Mais ce soir, il y aura deux fois plus de monde, on reconstruira, pas en dur cette fois-ci. » Pour lui, l’un des abris qui a été détruit ce matin relevait de l’« œuvre d’art » issue de l’autogestion, « construite en 1h15 par des étudiants ».
Sous le regard d’un groupe d’une petite dizaine de policiers, les employés municipaux continuent leur travail de déblayage, jusqu’à finir par nettoyer au jet d’eau le sol constellé de slogans et de messages politiques qui ne partiront pas, eux. Hasard du calendrier ? Une autre équipe de la mairie s’occupe de couper les branches les plus basses des arbres plantés place de la République. « Ils coupent les branches soi-disant parce qu’il y a des champignons, mais c’est évident qu’ils veulent nous empêcher de mettre des câbles », avance Adrien, peu confiant vis-à-vis des autorités.
La place de la République est quasi-déserte, les branches les plus basses des arbres ont été coupées #NuitDebout pic.twitter.com/y13crZbYMM
— Mathieu Dejean (@Mathieu2jean) April 5, 2016
« Ils sont malins, ils savent que c’est une lutte territoriale »
Anthony, un prof de 30 ans, vient d’arriver à vélo. Hier soir il était là jusqu’à 1h du matin. Selon lui, cette réappropriation du lieu témoigne de l’inquiétude des autorités quant à l’installation du mouvement sur le long terme : « Ils ne lâchent pas l’affaire car de plus en plus de places françaises sont occupées. Ils veulent lasser les gens ». Il voit aussi ce retour à l’ordre momentané comme une stratégie pour réduire la capacité d’action du mouvement :
« Ils sont malins, ils savent que c’est une lutte territoriale, ils prennent possession du terrain pour nous empêcher de revenir. Couper les branches, c’est un signe. »
Certains occupants de la place de la République considèrent en effet depuis quelques jours qu’elle est similaire à une ZAD (« zone à défendre »), et s’inspirent du mouvement zadiste. Pour éviter d’être délogés, mais aussi pour protéger les arbres, ces activistes s’y accrochent parfois. Cette éventualité est désormais rendue impossible par la coupe des branches.
Démontage de la #NuitDebout pic.twitter.com/nzKXqfPymP
— Klaire fait Grr (@Klaire) April 5, 2016
« Réfléchir au sens d’une vie désirable »
Pas sûr en tout cas que ce coup de pression mette un terme à la mobilisation. Alors que cette après-midi une manifestation contre la loi travail à l’appel de syndicats, d’organisations étudiantes et lycéennes est prévue à 13h de Bastille à Denfert-Rochereau, une AG devrait avoir lieu dans la foulée à République, à 18h. Avant de se rendre à la manifestation à vélo, Anthony rappelle que le mouvement qui s’est soulevé le 31 mars ne se limite pas à la revendication du retrait de ce projet de loi :
« Nous sommes là pour nous interroger plus largement sur le sens d’une vie désirable. Pour moi cela consiste à refaire de la politique. Personne ne prétend détenir un modèle de société idéal, mais nous réfléchissons à la manière d’améliorer nos vies, alors que chacun était pris jusqu’à présent dans ses luttes isolées. Cette convergence est l’embryon de quelque chose de nouveau ».
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