La vertu politique peut-elle se fondre dans le vice télévisuel ? En regardant la chef de file d’Europe Ecologie Eva Joly malmenée sur le plateau de Mots croisés sur France 2 par ses adversaires Nadine Morano et Charles Beigbeder, la question retrouvait récemment tout son sens. Mal à l’aise dans ce combat, dont les codes […]
La vertu politique peut-elle se fondre dans le vice télévisuel ? En regardant la chef de file d’Europe Ecologie Eva Joly malmenée sur le plateau de Mots croisés sur France 2 par ses adversaires Nadine Morano et Charles Beigbeder, la question retrouvait récemment tout son sens.
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Mal à l’aise dans ce combat, dont les codes invitent à la pugnacité, Eva Joly ne pesa pas grand-chose face à l’énergie roublarde des représentants de la droite néolibérale. Comme paralysée, incapable d’opposer ses arguments au mépris qu’elle subissait de la part de ses contradicteurs, d’éclairer avec aplomb l’audace de ses propositions économiques et sociales (taxation des profits bancaires, fiscalité écologique, nouvelles tranches de l’impôt sur le revenu), Eva Joly, pour le coup un peu verte, découvrit à ses dépens cette évidence : la force de conviction politique ne peut faire l’économie de la maîtrise de la rhétorique télévisuelle.
Tous les professionnels de la politique connaissent aujourd’hui les tables de la loi médiatique, au risque du mimétisme de leurs postures. D’où le décalage et l’étonnement lorsque l’on regarde et écoute Eva Joly, animal politique un peu fébrile lâché dans la cour des guerriers aguerris.
L’exception qu’elle incarne participe certes de son attraction : son accent, la lenteur de son débit, son refus du simulacre, sa sincérité… vont à l’encontre du lissage généralisé de la parole politique. Mais cette marque de distinction pourrait ne pas résister au rouleau compresseur de la télévision, réceptacle injuste et déformant de la parole publique. Où l’autorité ne se déploie qu’à condition de saturer l’espace de sa musique entêtante. Le concert d’Eva Joly reste très attendu : mais il lui faudra encore parfaire ses répétitions pour qu’il résonne dans l’arène du spectacle.
Jean-Marie Durand
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