Les sondages pour les élections européennes mettent le Rassemblement national et La République en Marche en tête. Au plus bas des pourcentages, une vingtaine de listes se disputent tristement la dernière place. Qu’est-ce que signifie “s’engager” quand l’on sait que le combat est déjà perdu ?
A l’autre bout du fil, elle rit. « On espère faire 5 %, oui bien sûr ». Le ton est sarcastique et elle rit encore. Voilà la réaction de Florie Martin, tête de liste du Parti pirate lorsque l’on l’interroge sur ses résultats espérés des élections européennes du dimanche 26 mai. Les sondages la concernant ne sont pas très optimistes… Attention, cela ne fait pas de ce mouvement le dernier de la classe : sur les 34 listes, une vingtaine oscille entre 0 et 0,5 % des intentions de vote. L’objectif de ces militants est moins de faire entrer des députés au Parlement européen que de simplement faire entendre leurs convictions.
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Thérèse Delfel, tête de liste du parti de la Décroissance se dit « lucide ». « Nos espoirs sont très faibles pour dimanche », admet-elle aux Inrocks. Cette formation politique qui remet en question la société de consommation ne s’est pas fixée d’objectif chiffré pour les résultats des élections. Même son de cloche chez Allons enfants, qui vise à faire rentrer la jeunesse dans le système politique français en ne proposant que des candidats de moins de 30 ans. Pour Sophie Caillaud, en haut de leur liste, « quel que soit le score, ce sera toujours une réussite ». L’occasion pour eux d’être invités sur BFMTV, de se mobiliser dans différentes villes… Bref de faire parler d’eux.
Un million de voix
Selon Nathalie Tomasini, qui a monté la liste A voix égales (promouvant l’égalité femmes-hommes) à la hâte en février dernier, c’est mathématique. « Bien sûr, l’objectif c’est d’être élu mais pour cela, il faut à peu près un million de voix [En 2014, 5 % des voix représentaient en effet 948 430 électeurs, ndlr]. C’est assez énorme », s’exclame-t-elle lors de notre entretien téléphonique.
« Je ne suis pas candidat pour être député européen demain, avoue Audric Alexandre du Parti des citoyens européens (Pace), avant de se reprendre. Même si je suis prêt à cela. Ce n’est pas l’envie d’un mandat qui nous anime, ce sont nos convictions. » Une non-ambition assumée. « Ce sont des candidatures témoignages, comme Arlette Laguiller cinq fois candidate à l’élection présidentielle pour Lutte Ouvrière, détaille Patrick Lehingue, professeur en sciences politiques à l’université d’Amiens. Ils ne prévoyaient pas qu’elle soit élue mais au moins, elle pouvait apparaître dans les médias. »
Pour cet universitaire, auteur de Le vote, approches sociologiques de l’institution et des comportements électoraux, se présenter à une élection en tant que « petite liste » (selon l’expression consacrée) est un « calcul rationnel entre coût et avantage ». Il s’explique : « C’est un avantage s’ils ne cherchent pas vraiment à avoir des voix. Comme ça, ils ne dépensent pas d’argent pour les affiches et les bulletins de vote mais ils ont le droit à 2 minutes 30 à la télévision, c’est une aubaine. »
“Au niveau financier, il est temps que ça s’arrête”
D’après Patrick Lehingue, pas besoin de dépenser d’argent ou presque. Mais une fois lancés, les partis prévoient quand même de rester dans la course jusqu’au bout. Résultat : ils dépensent de l’argent dans les déplacements, les affiches et quelques bulletins de vote. Avec les estimations des instituts de sondages qui ne dépassent pas les 0,5 %, ils sont bien loin des 3 % les autorisant à se faire rembourser les frais de campagne. Florie Martin, du Parti pirate, dénonce des « élections faites pour que seuls les partis qui ont de l’argent puissent être visibles. » Le candidat de Pace, Audric Alexandre, confirme : « Au niveau financier, il est temps que ça s’arrête. J’ai épuisé toutes mes réserves. » Salarié à mi-temps de son parti, il est aussi chargé de TD d’Anglais à l’université de Douai. Un complément de revenu auquel il a dû renoncer pour s’investir dans la campagne pour les élections européennes. Un engagement qui demande également de faire des sacrifices sur le plan personnel. « Il y a eu des conséquences sur ma vie sociale. Depuis deux semaines, je ne vais plus boire des verres. Je ne vois plus ni mes amis, ni ma famille », révèle Sophie Caillaud.
Malgré toute la lucidité dont ils disent s’armer, les espoirs sont toujours permis. Raul Magni-Berton est le porte-parole du Mouvement pour l’initiative citoyenne. Cette liste n’a qu’une revendication : instaurer le RIC (Référendum d’initiative citoyenne). Il nous dit avoir récolté « près de 500 voix en 2009 » lors des avant dernières élections européennes. « Il n’y a pas un réel espoir cette année, dévoile-t-il. Mais tout de même, les miracles existent ! » Lui, n’est pas sarcastique.
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