Avec la circulaire Guéant du 31 mai, le gouvernement a décidé de réduire l’immigration légale des étudiants ou jeunes diplômés, en les incitant fortement à rentrer « redynamiser leur pays » une fois leur diplôme français obtenu. Les Inrocks ont rencontré des étudiants concernés.
La circulaire « Guéant » du 31 mai dernier n’en finit plus du susciter l’ire des milieux étudiants. Le texte stipule que « la procédure de changement de statut (étudiants hors UE demandant un titre de séjour professionnel à la fin de leurs études) devra faire l’objet d’un contrôle approfondi », s’inscrivant dans la politique de réduction de l’immigration légale défendue par Nicolas Sarkozy et mise en oeuvre par le ministère de l’Intérieur. Concrètement, une fois leur diplôme obtenu, ces étudiants sont priés de rentrer chez eux, et fissa. Y compris ceux qui ont déjà trouvé un travail en France.
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Nous sommes allés à la rencontre d’étudiants étrangers concernés par cette circulaire : Zineb, Josipa, Youssef et Mame Mayoro. Tous n’appréhendent pas de la même manière le contenu de ce texte. Les trois premiers s’élèvent contre cette perspective d’un retour au pays imposé dès l’obtention de leur diplôme, alors que le dernier trouve cela plutôt normal.
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Galères administratives
Après le collectif du 31 mai, qui s’était formé en réaction à cette circulaire, c’est au tour de la Confédération étudiante de dénoncer, au travers d’une pétition, son application, qui se traduit par des délais rédhibitoires pour ces changements de statut et de nombreux refus d’autorisation de travail. Les témoignages de galères administratives vécues par des étudiants étrangers en fin d’étude, y compris avec des promesses d’embauche, se sont multipliées ces dernières semaines (Slate, Rue89).
Le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Laurent Wauquiez, avait bien tenté d’éteindre le feu déclenché par cette circulaire, en évoquant, lors d’un entretien au Monde (abonnés) début octobre, une « application trop rigide » de la politique d’immigration. Il a cherché à expliquer le décalage entre son discours et celui proné place Beauvau : « Quand cette circulaire a été publiée, on n’avait pas forcément en tête ce que cela pouvait représenter pour l’Université. »
Migration circulaire
Il a promis dans la foulée de communiquer auprès des préfets afin de corriger le tir : « A nous de nous assurer que ce texte ne soit pas surinterprété comme il l’a été. » Mais à la fin de l’entretien, les éléments de langage du gouvernement reviennent à la charge : « Je me retrouve dans la notion de migration circulaire, où l’on accueille des gens pour les former, construire un projet, et ensuite ils repartent chez eux pour redynamiser leur pays. »
Ces arguments font bondir Josipa, étudiante croate en grande école de commerce qui a effectué toute sa scolarité en France :
« Ils [les services de la préfecture] peuvent très bien me dire que puisque j’ai terminé mes études, pourquoi est-ce que je ne rentre pas chez moi, développer mon pays ? Mais mon pays, c’est la France ! »
Mame Mayoro explique quant à lui qu’il envisageait de toute façon de revenir au Sénégal à la fin de son Master de recherche en civilisations anglophones et relations interculturelles anglophones et francophones (Cariaf, Paris 13), et que « c’est un contrat que tout étudiant étranger doit respecter ».
Le choix du moment du retour confisqué
Plus que le principe même du retour (de nombreux étudiants assurent l’envisager de toute façon) et au-delà de la manière, c’est le fait que le gouvernement leur enlève la possibilité de choisir le moment de ce retour qui heurte les étudiants. Le collectif du 31 mai s’indigne contre « cette invitation à renoncer à des choix de carrières et à des choix de vie ». Les étudiants qui voudraient acquérir une expérience en France avant de rentrer – ou pas – dans leur pays d’origine se voient mettre des batons dans les roues.
C’était l’objet de la manifestation qui s’est tenue le 13 octobre dernier sur la place de la Sorbonne, organisée par le Collectif du 31 mai. Plusieurs centaines d’étudiants étrangers étaient vêtus comme s’ils étaient au travail et jetaient à la poubelle de faux diplômes, afin de signifier que sans expérience, l’obtention de ce dernier importe peu.
« Peut-être gâcher tout le cursus »
Youssef voit la fin de son cursus en mathématiques et informatique (Miage, Paris 5) pointer le bout de son nez, et envisage un retour au Maroc, mais il explique son malaise :
« On nous demande de rentrer directement [après le diplôme] et peut-être gâcher tout le cursus parce que là-bas, ils demandent un diplôme français plus de l’expérience française. (…) Je ne veux pas faire de l’informatique pour après finir maçon ou menuisier », conclut-il.
Interpellé mercredi 2 novembre par le député PS Jean Glavany, Laurent Wauquiez partiellement revenu sur ses déclarations du 6 octobre. Il a affirmé: « C’est une politique qui doit se concilier avec la nécessité de maîtriser l’immigration professionnelle et de prendre en compte la situation de notre marché du travail. » Avant d’ajouter : « Il n’y a aucune volonté de fermer la porte aux étudiants étrangers ».
Gino Delmas et Basile Lemaire
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