La semaine dernière, pas de Samir Nasri ni de Miss Poitou ou de sélection officielle, mais la coexistence de l’indie et du mainstream avec ratures, émois et compromis.
« Les 100 qui réinventent la culture.” Tu n’y es pour rien mon cher Inrocks, mais ces listes réveillent toujours chez moi de vieilles angoisses. J’ai toujours une pensée pour les milliers de cent unièmes ex æquo qui auraient rêvé d’y être. Je suis avec les déçus, les évincés, les hors-listes criant à l’injustice, légitimement ou non : “Je n’y suis pas et l’autre connard y est. Il réinvente la culture, lui ? Tout ça parce qu’il a fait les bonnes écoles, qu’il a les bons réseaux ? Non mais je rêve. JE ME MARRE !” En plus, elle est vicelarde, ta liste. On y trouve de tout : des scénaristes, des chanteurs, des philosophes, des metteurs en scène, des attachés de presse, des journalistes, des entrepreneurs du web, des cuisiniers, des jeunes, des moins jeunes. Une liste à l’image de la musique actuelle selon Christine And The Queens, où “indie et mainstream coexistent, se phagocytent”. Et une bonne façon de se fâcher avec les exclus de tous les corps de métiers.
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Monde cruel
Et je les comprends, comme je comprenais la réaction épidermique de Samir Nasri, exclu de la liste des vingt-trois joueurs sélectionnés pour la dernière Coupe du monde, comme je comprends la déception des centaines de réalisateurs justement ou injustement écartés de la Sélection officielle à Cannes. Je n’ose plus regarder les soirées Miss France tant me bouleverse la détresse de Miss Poitou, ses yeux pleins d’effroi que masque à peine son sourire figé lorsque Jean-Pierre Foucault égraine la liste des finalistes et qu’elle n’y est pas. Et peut-être dira-t-il juste avant, pour consoler les perdantes : “Comme toute liste, celle-ci est subjective, faite de partis pris, d’engueulades, de ratures, d’émois, de compromis, de mauvaise foi.” N’empêche que, à la fin, qui est in, qui est out ? C’est ça la question. Monde cruel.
Je souffre avec eux et c’est une compassion narcissique : je n’ai jamais été sur les bonnes listes. Une heure de queue en plein hiver devant la soirée où il faut être. “Vous êtes sur la liste ? Alors, ça va pas être possible, monsieur. Mettez-vous sur le côté.” Connards. Au lycée, les filles avaient fait la liste des dix mecs les plus hot de seconde. On faisait tous semblant de s’en foutre, on rêvait tous d’y être. Je devais être onzième, sans doute. Caramba, encore raté ! Exclu de la liste des admissibles au concours machin, exclu de la short list du job bidule, toujours hors-liste, toujours hors-piste. La seule à laquelle je n’échappe pas est la liste d’attente. Alors, bien sûr, je savoure le paysage composé par les – un peu plus – de cent personnes qui figurent dans ce dossier et dont tu fais le pari qu’elles “déploieront leur pleine puissance dans les dix ans à venir”. Mais je pense aussi à tous ceux qui, hors du champ de ce paysage, “déploieront leur pleine puissance” dans dix ans, et reporte le debrief de ce numéro à cette échéance. Hors-listes de toutes catégories, l’heure de la revanche a sonné.
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