Mythique station de Los Angeles, la radio KCRW propose une info riche et variée. Sa liberté de ton irrite les Républicains, qui aimeraient bien lui faire un sort.
On y accède par un sous-sol, sous un bâtiment standard, planté au milieu du campus universitaire de Santa Monica College. Une porte, sur laquelle un Alfred Hitchcock à lunettes noires a été graffé par le frenchy Mr. Brainwash. Derrière ces apparences anodines se cache LA grande radio indépendante de Los Angeles, si ce n’est de la Côte Ouest. KCRW, 89.9 sur la FM, est un bastion de DJ, journalistes et critiques, unique en soi aux Etats-Unis.
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On est arrivé de bonne heure pour assister à la session live de la matinale, Morning Becomes Eclectic. Sur la tranche 9 h-12 h, ce programme musical est devenu, au fil des ans, une référence en la matière (« tastemaker », dit on ici), suivi sur le web par des centaines de milliers d’auditeurs du monde entier. Et, à L.A., par les automobilistes confrontés chaque matin aux embouteillages cauchemardesques qui gangrènent la ville. Cold Cave aujourd’hui, Femi Kuti hier, les meilleurs musiciens viennent à L.A. pour se produire sur l’émission culte du grand Jason Bentley. C’est un peu la même chose en matière de littérature, avec Bookworm de Michael Silverblatt. Ou encore en politique, avec l’excellent Left, Right & Center, où officie Arianna Huffington, figure de l’Amérique libérale et initiatrice du Huffington Post.
Notre loi Hadopi n’ayant pas d’équivalent américain, en termes de droits d’auteur, la radio propose ses programmes sous forme de podcasts, téléchargeables gratuitement pendant des mois, voire des années. Avec ses nouvelles applications spécialement conçues pour l’iPhone et l’iPad (disponibles sans passer par l’Apple Store), KCRW.com constitue désormais une formidable bibliothèque en ligne de programmes radiophoniques, à faire pâlir de jalousie les auditeurs de France Culture et Radio Nova confondus.
« Subscribers supported », la radio doit en effet 50% de ses fonds à ses fidèles adhérents, qui se comptent à plus de 56 000. Un système de donation très répandu outre-Atlantique, où la loi permet de déduire de ses impôts toute donation à une organisation à but non lucratif. Sur ce même principe, ce sont aussi des fondations philanthropiques (Ford, Annenberg) qui financent la radio, outre le sponsoring pur et dur. KCRW doit enfin 8 % de son budget à l’Etat fédéral, comme les quelque 900 radios publiques affiliés à la NPR (National Public Radio).
C’est cette part pourtant bien faible de fonds publics qui fait depuis deux mois l’objet d’une campagne de dénigrement menée par des membres du Parti républicain.
« Il est raisonnable de se demander pourquoi le Congrès finance, avec l’argent du contribuable, un groupe de radio de gauche » avait déclarée en mars John Boehner, porte-parole de la Chambre des représentants.
Avec sa majorité républicaine, celle-ci avait dans la foulée voté un projet de loi visant à interdire l’utilisation de fonds fédéraux pour les radios du groupe NPR. Projet qui n’était finalement pas passé devant le Sénat, « mais qui risque bien de revenir sur la table lors du prochain budget », anticipe Jennifer Ferro, la toute nouvelle directrice de la radio.
Yann Perreau
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