Foie de morue, gésiers, tripes, cervelle de porc, langue de bœuf : certains aliments ont injustement mauvaise presse. Peu ragoûtants d’apparence, ils s’avèrent pourtant bien moins rustres lorsqu’ils sont cuisinés avec délicatesse. C’est injuste, comme le temps les a fait mal vieillir. Car dans les cuisines d’autrefois, bas morceaux et abats n’étaient jamais mis au […]
Foie de morue, gésiers, tripes, cervelle de porc, langue de bœuf : certains aliments ont injustement mauvaise presse. Peu ragoûtants d’apparence, ils s’avèrent pourtant bien moins rustres lorsqu’ils sont cuisinés avec délicatesse.
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C’est injuste, comme le temps les a fait mal vieillir. Car dans les cuisines d’autrefois, bas morceaux et abats n’étaient jamais mis au rebut. Au contraire : on savait bien que ces pièces économiques devaient être traitées avec vigueur et rigueur, passion et patience.
Leur bas prix méritaient au moins que l’on apprenne à les apprivoiser. Dégorgé et blanchi, le ris de veau ! Mijotées de longues heures, les tripes à la mode de Caen ! Soigneusement nettoyés puis bouillis, les gésiers ! Et voilà ainsi retrouvée toute la noblesse qu’il manquait à ces mal aimés.
Et puis est arrivé le temps de la grande distribution, de l’électroménager, du secteur tertiaire, des plats préparés, des produits industriels trop gras et trop sucrés… et du manque de temps. Osons l’avouer : parfois même, du manque de volonté de prendre le temps. Qu’irions-nous nettoyer des foies de volailles à la brosse à dents alors qu’à chaque coin de rue des fast-foods nous servent des nuggets de poulet en moins de temps qu’il n’en faut pour lire une recette de cuisine ?
En passant, l’essor du prêt à manger nous a probablement ramolli le palais. Et voilà comment des morceaux d’os et de cartilage broyés (les fameux nuggets) se sont retrouvés à remporter plus de suffrage que les rognons de porc cuisinés par mamie.
On répète à qui mieux mieux que c’est la beauté intérieure qui compte. L’adage passe difficilement la porte de nos frigos.
On choisit toujours nos courgettes lisses et nos steaks hachés bien ronds. Bien sûr, il faut saluer les effets positifs des campagnes de sensibilisation en faveur des légumes moches, le développement des AMAP et le retour en douceur de la cuisine de terroir.
Mais vu de loin, le constat s’impose : l’époque nous fait privilégier le beau, le facile à mâcher, le rapide à consommer. La cuisine de Jérôme Bigot essaye d’être un pied de nez à cette tendance. Hérisson de mer à vider à la cuillère, tête de veau en croustillant, pied de porc… Le jeune chef autodidacte propose en ce moment au restaurant de La Folie Douce (Val d’Isère) une carte qui distille des morceaux peu populaires mais présentés ici avec grâce. Avec lui, les petits vers et criquets sont servis accompagnés d’espuma de citron pendant que le foie de volaille arrive en cromesqui.
Le retour des abats est-il la prochaine étape d’une mode culinaire cyclique ? Après tout, la cuisine saine a bien succédé aux food trucks de burgers, la cuisine de grand-mère à la cuisine fusion, et le sans gluten à la farine de blé. En suivant cette logique, les bas morceaux devraient avoir un avenir haut en couleurs.
Emilie Laystary
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