« Lonely Mountains : Downhill », « What the Golf ? », « Golf With Your Friends » et, dans une moindre mesure, « Super Kickers League » : quatre titres recents démontrent de manière éclatante que les simulations sportives peuvent énormément gagner à sortir des sentiers battus. Et aussi : le flamboyant retour de la pop star virtuelle Hatsune Miku, l’entêtante frénésie BD de « Fury Unleashed » et l’arrivée sur PS4 et Switch de l’inusable « Dungeon of the Endless ».
Là, pas de doute, c’est un coucou. Et ça, les cloches d’un troupeau venu goûter la bonne herbe des montagnes. Des chèvres, peut-être ? On ne le saura pas avec certitude faute de les apercevoir au détour d’un virage, contrairement aux jolis papillons jaunes qui s’envolent à l’arrivée de notre cycliste encore en pleine découverte de ce nouveau circuit. Bienvenue dans Lonely Mountains : Downhill, superbe simulation de VTT qui nous avait échappé lors de sa sortie sur PS4, Xbox One et PC en octobre dernier et dont l’arrivée sur Switch offre un bon prétexte pour effacer cette impasse coupable. Que, dans le titre du jeu, les « montagnes solitaires » (« lonely mountains ») viennent avant la descente (« downhill ») aurait dû nous mettre sur la voie : ici, l’immersion dans un paysage est l’élément primordial et la course, un moyen presque plus qu’une fin.
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Impressionnisme
On exagère : en nous mettant régulièrement au défi (de finir un parcours en un temps limité, de ne pas multiplier les accidents…) et en nous récompensant d’un circuit supplémentaire, d’un vélo ou d’une tenue, Lonely Mountains : Downhill remplit sans tergiverser le cahier des charges d’un genre dont le représentant le plus fameux est sans doute l’excellente série Trials. C’est ainsi qu’on se retrouve vite à retenter les mêmes descentes en peaufinant peu à peu nos trajectoires et en traquant les raccourcis dans l’espoir de gagner quelques précieuses secondes. Mais le jeu du studio berlinois Megagon Industries montre aussi que ses auteurs ont retenu les leçons d’œuvres plus ambient comme Alto’s Odyssey. Le sport, ce n’est pas forcément que de la compétition : ce peut aussi être une porte d’entrée vers une autre dimension.
Le secret de la réussite de Lonely Mountains, c’est son extrême précision. Celle-ci est manifeste dans la manière dont notre vélo se comporte en dévalant la pente, dans le travail (exceptionnel) sur la bande-son qui, plus encore que tout le reste, nous plonge en pleine nature et dans son style graphique dépouillé mais incroyablement évocateur qui vient opportunément nous rappeler que l’impressionnisme est un réalisme. Si on relance régulièrement Lonely Mountains, ce n’est ainsi pas seulement pour améliorer nos temps mais aussi, tout simplement pour passer un peu de temps sur ses montagnes, les écouter, les respirer.
Laboratoire ludique
Autre titre initialement paru (sur iOS et Windows) à l’automne 2019 et fraîchement adapté à la Switch, le rigolard What the Golf ? semble a priori bien éloigné de l’élégance teintée de mélancolie de Lonely Mountains. Et pourtant, de ce détournement follement imaginatif des principes du golf se dégage une volonté au fond assez comparable de se libérer des tics habituels des simulations sportives en reprenant tout à la base, c’est-à-dire à l’expérience sportive telle qu’elle peut se vivre plutôt qu’à la manière dont elle est représentée à la télé, dans les jeux vidéo ou ailleurs.
Le golf, au départ, c’est essayer d’envoyer un truc qui roule dans un trou. What the Golf ? ne propose pas autre chose, sauf que rien ne se passe comme on pourrait s’y attendre. Par exemple, parfois, quand le golfeur tape dans la balle, ce n’est pas cette dernière qui s’envole sur le green mais son club. Ou le golfeur lui-même. Ce peut aussi être un téléviseur, un vase, un ballon de foot ou un objet encore plus improbable qui prend la direction du drapeau surplombant le prochain trou. Un drapeau qui, d’ailleurs, peut tout à fait se déplacer en court de jeu. Il y a des moments absurdes (comme celui où le but est d’envoyer un chat gagner cent hot-dogs), des parodies vidéoludiques (de Super Mario, Angry Birds, Flappy Bird…) et bien d’autres variantes toutes plus étranges les unes que les autres.
Qu’est-ce qu’ils vont encore pouvoir inventer ? se demande-t-on à chaque instant – sauf, évidemment, quand on bataille pour venir à bout d’un niveau particulièrement tordu. Certains pourront estimer que le jeu se moque de ce noble sport qu’est le golf, mais on peut au contraire penser que ses concepteurs lui offrent le plus beau des hommages en le prenant comme objet d’expérimentation. Proche dans l’esprit de la saga Wario Ware, What the Golf ? ressemble à un petit laboratoire ludique tenu par des savants cinglés bien décidés à voir jusqu’où ils pourront entraîner l’objet de leur affection : le golf. Et si on change ce truc-là, ça marche encore ? Ça marche toujours. What the Golf ? ne trahit pas le sport qu’il s’approprie : il le développe, l’étend, le complète. Et l’embellit, peut-être.
Célébration
Deux autres jeux du moment rejoignent cette approche à la fois consciencieuse et libre de la simulation sportive. Le premier, Golf With Your Friends, invite à se lancer à plusieurs dans des parties de mini-golf endiablé (et reste jouable en solo, même si c’est moins rigolo). Le point de départ, donc, est relativement classique, mais plusieurs modes de jeu disponibles font radicalement évoluer la formule au sein de décors toujours plus facétieux (la station spatiale, la crique des pirates, le pays des bonbons…) On n’en citera qu’un : le mode « dunk ». Tout s’y passe aussi normalement que possible jusqu’au « trou » qui est remplacé par un panier de basket. D’où la nécessité, après l’avoir envoyé dans la bonne direction, de faire sauter notre balle au moment idéal pour « marquer ». Dans Golf With Your Friends aussi, le sport est pris comme un réservoir de possibles, comme un appel à l’imagination. Ce qui, par ailleurs, redouble intelligemment le principe même du mini-golf dont il est sans doute la meilleure célébration.
Fraîchement paru dans une version « Ultimate » qui regroupe le jeu original et ses deux contenus additionnels, Super Kickers League peine de son côté davantage à passionner sur la durée, mais le titre du studio espagnol Xaloc n’en perpétue pas moins la belle tradition du jeu de foot joyeusement irréaliste, dans lequel à peu près tous les coups sont permis, celle de Soccer Brawl, de Sega Soccer Slam ou, plus près de nous, de Mario Strikers qui, chacun dans son style, nous vengeaient de la pompe des simulations sérieuses. Dans Super Kickers League, on constitue des équipes de trois, le ballon remonte vite le terrain, on se bouscule joyeusement et, de temps en temps, on déclenche même notre petit pouvoir spécial. En doses modérées, le cocktail est très rafraîchissant. Le modèle n’est pas ici le football professionnel mais plutôt celui qui se pratique dans les cours d’école et, surtout, à la récré comme après, se fantasme glorieusement dans les têtes des enfants, ce qui se révèle éminemment libérateur. Comme une douce virée montagnarde à vélo, un lancer de gars en short sur le green, une série de rebonds au pays des bonbons. Vive le sport.
Lonely Mountains : Downhill (Megagon Industries / Thunderful Publishing), sur Switch, PS4, Xbox One, Mac et Windows, environ 20€
What the Golf ? (Triband), sur Switch, Mac, Linux et Windows, environ 20€. Egalement disponible sur iOS
Golf With Your Friends (Blacklight Interactive / Team 17), sur Switch, PS4, Xbox One, Mac, Linux et Windows, environ 20€
Super Kickers League Ultimate (Xaloc Studios / Just For Games), sur Switch, PS4 et Windows, de 25 à 30€
Et aussi :
« Hatsune Miku : Project DIVA Mega Mix »
Hatsune Miku est probablement la plus célèbre des chanteuses qui n’existent pas. Personnage inventé en 2007 pour soutenir le lancement d’un logiciel de synthèse vocale, la jeune femme aux longs cheveux turquoise est devenue au fil des années une vraie star, a interprété des milliers de chansons et se produit même régulièrement en concert (y compris à Paris, où elle était encore virtuellement de passage en janvier dernier). L’un des piliers de sa popularité, c’est la série de jeux musicaux produits par Sega dont le dernier volet en date, destiné à la Switch, prend des allures de best-of. Cent un morceaux issus de son répertoire accompagnés de leurs clips animés inévitablement flamboyants sont au programme, que l’on accompagnera au choix grâce aux touches de la console, à son écran tactile ou à la détection de mouvements, mais toujours dans le bon tempo sous peine de voir le grand show participatif s’interrompre brutalement. Les niveaux de difficulté les plus avancés frôlent le surhumain mais, même sans dépasser les modes « easy » (le jeu est en anglais) ou « normal », tous les éléments (interface, mise en scène…) sont réunis pour nous faire décoller. A condition, bien sûr, de ne pas être allergique à notre star à couettes favorites ou à la J-Pop en général (ce qui serait de toute façon une faute grave).
Sur Switch, Sega, environ 40€
« Fury Unleashed »
Dans la famille Rogue-like, personne n’avait sans doute demandé le descendant commun de Metal Slug (avec son petit guerrier bondissant) et de Comix Zone (au monde savamment décomposé en cases de BD), mais on est ravi de l’avoir pioché. Dynamique et entraînant, Fury Unleashed se distingue notamment par sa large palette de mouvements qui très plaisante la traversée de ses écrans débordant d’action. Ses boss idéalement monstrueux sont par ailleurs un régal pour les yeux.
Sur Switch, PS4, Xbox One, Mac, Linux et Windows, Awesome Games, environ 20€
« Dungeon of the Endless »
A l’échelle des productions habituelles d’Amplitude Studios, Dungeon of the Endless est un petit jeu simple et délassant – mais à leur échelle seulement. Maître de la stratégie au tour par tour avec des titres comme Endless Space, Endless Legend et bientôt Humankind, le studio parisien s’essayait en 2014 à un mélange entre le Rogue-like et le tower defense qui, six ans plus tard, fascine toujours autant alors que le jeu débarque sur la PS4 et la Switch. A noter que, sur cette dernière, l’écran tactile est un bel atout quand la situation de nos naufragés de l’espace, mal engagé, exige une réaction précipitée.
Sur Switch et PS4, Playdigious / Amplitude Studios, environ 20€. Egalement disponible sur Xbox One, Mac, Windows et iOS
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