Que pouvons-nous attendre de bien ou de mal de la Chine dans les prochaines décennies ? C’est l’une des questions posées par Giovanni Arrighi dans un essai majeur Adam Smith à Pékin.
Que pouvons-nous attendre de bien ou de mal de la Chine dans les prochaines décennies ? C’est l’une des questions posées par Giovanni Arrighi dans Adam Smith à Pékin. Economiste italo-américain décédé en 2009, disciple de Fernand Braudel, Arrighi travaillait aux confluent de l’économie, de la sociologie et de l’histoire.
Publié dans le monde anglo-saxon en 2007, Adam Smith à Pékin est son premier livre traduit en France. Un “ouvrage majeur”, comme l’écrit Alain Lipietz dans la préface. Travaillant sur les temps longs de l’histoire, Arrighi rend l’économie romanesque. Il n’est pas seulement ici question de chiffres et de courbes, mais des relations et rapports de force entre les régions du monde. L’économie structure et explique le grand roman chaotique de l’histoire.
Fourmillant de multiples faits et récits, le livre d’Arrighi privilégie deux axes : l’analyse de l’héritage d’Adam Smith (théoricien du capitalisme) et le rôle historique, présent et à venir de la Chine dans l’économie mondiale. Adam Smith est souvent présenté comme l’économiste phare du libéralisme. Arrighi nuance cette vision et insiste sur un autre apport essentiel de Smith : la mondialisation de l’économie finira par réduire les inégalités entre les peuples. On n’y est pas encore, mais Arrighi observe des séquences longues, et c’est là qu’intervient la Chine.
Pendant des siècles, la Chine fut une puissance aussi importante que Venise ou la Hollande. Une puissance industrieuse plutôt qu’industrielle, fondée sur le travail intensif, la spécialisation, l’artisanat à grande échelle. Après une relative éclipse aux XVIIIe et XIXe siècles, ère de l’avènement de la puissance européenne (puis américaine) et du capitalisme industriel.
Aujourd’hui, la donne change : les Etats-Unis ont échoué en Irak, confirmation de leur défaite au Vietnam. Parallèlement au déclin de l’Amérique, l’Asie du Sud-Est a émergé : Japon, Hong-Kong, Corée… mais surtout Chine. Or, si l’Angleterre du XVIIe siècle, tout petit pays, a laissé une empreinte gigantesque en inventant la révolution industrielle, on peut deviner les dégats que causerait un pays de la taille de la Chine avec le même modèle.
Mais l’expansion actuelle de la Chine est-elle industrieuse ou industrielle ? Selon la réponse à cette question, on peut espérer comme l’auteur un monde à peu près équilibré de développement durable réalisant la promesse d’Adam Smith, ou redouter un chaos sans fin de violences et de conflits.
Adam Smith à Pékin, les promesses de la voie chinoise de Giovanni Arrighi : (Max Milo, 504 pages, 29,90 €)