Divertissement, fantaisie, curiosité… De Canal à Arte et même à France-Télévisions, voici le temps de la télé pop. une tendance lourde incarnée avec légèreté par le revenant de Caunes.
Dans le grand bain, souvent moins moussant que vaseux, de la rentrée télé, un motif saillant sort au moins de l’eau : la pop culture. Horizon programmatique élastique sur lequel chaque directeur de chaîne et chaque téléspectateur projette sa propre définition du « pop », ce genre télévisuel s’impose comme un axe de résistance possible au mainstream abêtissant et au « populaire » régressif, dont la télé dominante reste le réceptacle.
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Désir de réconciliation des programmateurs avec le public
De Canal+ à Arte, et même parfois France Télévisions, les chaînes affirment vouloir insuffler un certain esprit pop au cœur de leurs émissions. Pop à la fois dans la forme conférée au programme, divertissant, fantaisiste, léger, et dans le contenu, curieux, attentif à la création contemporaine sous toutes ses coutures, musicales, artistiques, littéraires, cinématographiques… Evidemment pas inédite (au début des années 70, l’ORTF diffusait déjà Pop 2, une émission musicale pointue), cette obsession renouvelée forme le symptôme d’un désir de réconciliation de certains programmateurs avec des publics vaguement fâchés avec la télé, ou simplement indifférents à cause de son indolence et de sa ringardise… A rebours des codes des Anges de la téléréalité, de Touche pas à mon poste ou de La Parenthèse inattendue, la télé pop défend une certaine idée du goût, de l’élégance et de la fantaisie. Ses multiples déclinaisons possibles redessinent un territoire ouvert, moins frelaté que celui de la télé fatiguée.
Du côté de Canal+, déstabilisée en juin par le départ de Michel Denisot du Grand Journal, le retour d’Antoine de Caunes (transformé malicieusement par les Guignols en héros de la série Les Revenants) marque clairement ce souci de redonner à l’émission des accents pop. Plus encore que la formule éditoriale, au fond pas très éloignée de la précédente, l’incarnation de l’émission par une figure historique de la télé pop suffit à éclairer cette réorientation théorique voulue par la chaîne. Les premiers pas un peu hésitants de l’ex-chef de bande de Nulle part ailleurs et animateur d’émissions musicales pionnières (Chorus, Les Enfants du rock, Rapido…) méritent encore un rodage pour être à la hauteur de la promesse. L’esprit pop de Canal s’incarnera aussi et surtout, outre ses séries et documentaires, à travers Le Petit Journal, qui « change mais pas trop », mais aussi deux nouveaux magazines prometteurs – Le Before du Grand Journal, présenté par Thomas Thouroude, et Clique, présenté par Mouloud Achour le samedi à 12 h 10, centré sur les contre-cultures.
Même Arte s’adoucit
Souvent perçue comme trop raide, Arte confirme en cette rentrée son besoin d’adoucir son esprit de sérieux. Ses séries (Borgen saison 3 à venir, mais aussi Top of the Lake de Jane Campion), sa nouvelle émission de décryptage de l’économie (Déchiffrage, conçue avec le journal Alternatives économiques), ses magazines culturels déjà installés (Tracks, Personne ne bouge…) et de société (28 Minutes), ses documentaires (Brigitte Bardot, la méprise ; la collection L’Europe des écrivains ; la Nuit du désir, Arte Video Night…) creusent, sans sacrifier le goût de l’analyse critique, les traits de la nouvelle identité d’une chaîne finalement plus pop que docte.
A côté des deux chaînes, France Télévisions n’est pas totalement en reste. Si sa vocation naturelle la pousse à s’intéresser à tous les publics, la télé publique ne compte pas abandonner à leur sort postcathodique les publics qui la boudent. Plusieurs indices soulignent ce détour et retour vers des programmes moins empesés et plus ouverts aux dynamiques sociales et culturelles : une nouvelle émission musicale, Alcaline, quelques nouvelles séries (La Source réalisée par Xavier Durringer, la série anglaise Broadchurch…), des magazines (Nous, présenté par Marie Drucker, l’excellent Cash investigation d’Elise Lucet), des documentaires (Génération Y), mais aussi le nouveau show d’humour en access animé par Sophia Aram, ex-chroniqueuse de la matinale de France Inter, Jusqu’ici tout va bien. Où l’actualité sera tordue et mordue par une humoriste persifleuse et prometteuse.
Esprit pop
L’esprit pop de cette rentrée se déploiera enfin sur un autre territoire télévisuel : le numérique. Les « nouvelles écritures » se développent partout, surtout au sein d’Arte et de France Télévisions. Les projets hybrides, crossmédia (web-séries participatives comme Anarchy sur France Télé ou Intime conviction sur Arte ; jeux documentaires – Fort McMoney de David Dufresne sur arte.tv), en plus de toutes les plate-formes de culture et d’information (Arte Live Web, Arte Radio, Culturebox…) élargissent les frontières de la création audiovisuelle : c’est aussi dans cet éloignement et cette reconfiguration que la culture pop d’aujourd’hui trouve son nouvel écrin. Son nouvel écran.
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