La préfecture de Seine-et-Marne appelle les réfugiés à se mobiliser pour venir en aide aux agriculteurs qui manquent de main-d’œuvre à cause de l’épidémie de Covid-19. Contactées, les associations d’aide aux réfugiés dénoncent “un cynisme absolu” et alertent sur une situation inquiétante.
“Mains d’œuvre saisonnière, les réfugiés en renfort !”. C’est par cette formule que la préfecture de Seine-et-Marne (77) a lancé une opération pour le moins particulière. Pour pallier le manque de main-d’œuvre sur les parcelles agricoles à cause de la crise sanitaire due au Covid-19, le préfet a décidé de “mobiliser les réfugiés”, indique-t-elle via un tweet posté ce lundi 30 mars en fin de journée. Une opération que beaucoup, dont les associations d’aide aux réfugiés, qualifient d’“indigne” et de “cynique”.
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“Face aux difficultés de recrutement rencontrées par la profession agricole et pour répondre aux besoins de main-d’œuvre exprimés, le Préfet de Seine-et-Marne mobilise les réfugiés”, peut-on lire dans le communiqué.
Le préfet indique alors avoir demandé “aux gestionnaires des hébergements d’urgence des demandeurs d’asile du département de faciliter la mise en relation entre les réfugiés et les professionnels agricoles.” Précisant même que “56 réfugiés (…) se sont portés volontaires”.
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“L’esclavage en 2020”
Dans la foulée, la gronde est montée sur Twitter, les un·es soulignant que le montant de la rémunération n’est pas précisé, les autres insistant sur le besoin de régularisation de ces personnes. “Et tout à coup les réfugiés intéressent les décideurs !”, a réagi sur Twitter la conseillère régionale EELV d’Île-de-France – Val-de-Marne, Annie Lahmer.
Et tout à coup les réfugiés intéressent les décideurs ! De la main d'oeuvres corvéable à merci qui pourra tomber malade en silence https://t.co/wDG1fD9EfO
— Annie Lahmer 🌻🐝🌍 (@annielahmer) March 31, 2020
https://twitter.com/ZabouF/status/1244762329843195907?s=20
Ça va l’esclavage en 2020?
— capitaine lurette (@PlumeLQC) March 30, 2020
Alors ce mardi, en fin de matinée, la préfecture de Seine-et-Marne a publié un autre tweet dans lequel elle ajoute que ces réfugiés “seront rémunérés comme tous les ouvriers agricoles avec un titre de travail”, et qu’ils “travailleront dans les conditions sanitaires garanties avec bien évidemment la mise en place des gestes barrières.”
#coronavirus #agriculture
Les réfugiés se sont portés volontaires. Ils seront rémunérés comme tous les ouvriers agricoles avec un titre de travail. Ils travailleront dans les conditions sanitaires garanties avec bien évidement la mise en place des gestes barrières.#TousMobilises— Préfet de Seine-et-Marne (@Prefet77) March 31, 2020
Contactée, la préfecture de Seine-et-Marne nous indique ne pas comprendre ces réactions. « Ce serait paradoxal que l’on ne puisse pas offrir du travail à des réfugiés », souligne le service communication qui nous assure que les réfugiés volontaires « bénéficieront d’un contrat de travail, seront rémunérés à hauteur du SMIC » et « travailleront dans les conditions de protection sanitaires actuelles », sans pour autant détailler davantage. Et rappelle que l’offre s’adresse bien à des personnes bénéficiant du statut de réfugié, et non aux demandeurs d’asile.
“Un cynisme absolu”
Contactée par Les Inrocks, Sonia Laboureau, directrice du centre provisoire d’hébergement de Massy (Essonne) pour la Cimade fait part de son désarroi. “Les réfugiés sont dans des situations ultra-précaires, les conditions d’accueil sont déplorables. Nous avons aucun soutien de l’Etat, on nous fournit ni gel hydroalcoolique ni masque mais en plus ils devraient aller travailler dans les champs ?”, s’étrangle-t-elle.
“Au mieux, c’est méconnaître la réalité totale de ce qui se passe dans ces centres, au pire, c’est d’un cynisme absolu.” Et ajoute : “Nous, les équipes sociales avons clairement d’autres priorités en ce moment que de les envoyer travailler dans les champs, comme tout simplement trouver des solutions pour les empêcher de mourir du Covid-19, sans aucun moyen…”
Le constat est également sombre et amer du côté de l’association d’aide aux réfugiés, Utopia 56. “Avant de demander un service à ces personnes, il faudrait déjà les accueillir dignement et commencer par les régulariser”, regrette le président de l’association Gael Manzi, joint par Les Inrocks. “Je ne comprends même pas comment la préfecture de Seine-et-Marne a pu faire une chose pareille, cela prouve bien sa déconnexion totale du terrain”, ajoute-t-il. « J’ai l’impression que l’on fait ici de l’immigration choisie. Ils ne pourront donc pas être confinés, et c’est toujours aux mêmes que l’on demande de faire un effort… »
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