Dans Identitaire, le mauvais génie du christianisme, Erwan Le Morhedec dénonce l’instrumentalisation de la foi et la stratégie d’entrisme des identitaires au sein de l’Eglise.
“Le pape vient de me troller sur Twitter !” C’est ainsi que Koztoujours – Erwan Le Morhedec IRL – nous accueille dans son cabinet d’avocats d’un quartier huppé de Paris. De quoi planter le décor : à 41 ans, il est depuis 2005 l’un des blogueurs catholiques les plus influents, donnant son opinion sur des sujets allant de la politique – il est de droite – à son soutien à la Manif pour tous en passant par la guerre en Syrie. Il écrit aussi parfois des livres, dont Identitaire, le mauvais génie du christianisme, consacré à “la tentation identitaire” menaçant, selon lui, la cathosphère.
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Sandwich à la main et bière sur le bureau, il s’excuse d’être “un peu speed” : pour La Croix, il vient juste de débattre avec Laurent Dandrieu, rédac chef adjoint de Valeurs actuelles, qui sort aussi un essai sur cette question en adoptant le paradigme d’une Eglise confrontée au “grand malaise” de l’immigration.
“Une idéologie étrangère au catholicisme”
Et c’est justement cette vision décliniste et “racialiste” du monde qu’Erwan Le Morhedec veut dénoncer. Pour lui, il y a urgence : celle “d’affronter avec lucidité la porosité de trop nombreux catholiques à une idéologie étrangère au catholicisme”.
Une voix modérée chez les cathos, à l’heure où les Robert Ménard, Génération identitaire et autres groupuscules d’extrême droite brandissent avec fracas la foi catholique et un supposé non-respect de “l’identité chrétienne française” pour justifier leurs propos nauséabonds.
Une voix sans concession, aussi : “Ce n’est pas en geignant sur le fait qu’on ne nous respecte pas qu’on pourra assurer une place aux catholiques, mais en montrant à la société ce qu’on peut lui apporter de positif.”
La “pénétration forte et nouvelle” du vote FN chez les catholiques
Appuyer là où ça fait mal ne lui a jamais fait peur. “J’ai été élevé dans l’idée que si nul ne dit ce que l’on pense, on prend ses responsabilités pour le dire soi-même.” De quoi le pousser à sortir de l’anonymat initial de son blog, en 2008, “car les convictions qu’(il) défend ne sont pas honteuses”.
De la honte, il en ressent pourtant depuis quelque temps. Celle de voir les croyants associés à cet extrémiste catholique ayant frappé, cet été à Paris, un homme noir passant devant l’église Sainte-Rita. Celle d’être assimilé aux posts antimigrants et islamophobes de sites cathos comme Le Salon beige. Il s’alarme de la “pénétration forte et nouvelle” du vote FN chez les catholiques pratiquants (multiplié par trois entre les législatives et les régionales de 2015).
La faute, selon lui, à plusieurs phénomènes concomitants : la perte d’influence du catholicisme dans l’espace public et des bouleversements mondiaux et culturels d’envergure – crises économique et migratoire, arrivée des réseaux sociaux…
“Des catholiques cohabitent avec des identitaires”
Le tout combiné à une “instrumentalisation” par les milieux identitaires. “Ils viennent flatter nos angoisses et nous dire : on vous comprend, on va vous défendre”, analyse le blogueur. Ainsi, “des catholiques cohabitent avec des identitaires, imaginent parfois les évangéliser quand ce sont ces derniers qui les identitarisent”.
Pour ce probable soutien de François Fillon lors de la présidentielle – un candidat qu’il “n’estime pas extrême” –, il s’agit de ne pas se tromper de combat : “L’invocation des racines chrétiennes de l’Europe doit être chrétienne elle-même.”
Identitaire, le mauvais génie du christianisme d’Erwan Le Morhedec (Les Editions du Cerf), 176 pages, 14 €
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