A Hinkley, en Californie, le cauchemar recommence : l’eau est à nouveau cancérigène. Aujourd’hui présidente d’une société de consulting, Erin reprend sa lutte contre l’entreprise polluante.
L’histoire avait tout du beau conte moderne : une petite secrétaire inexpérimentée parvenant à prouver la responsabilité d’une méga entreprise d’énergie dans une affaire de pollution, avec à la clé un ticket pour l’éternité sous les traits de Julia Roberts, et un nom devenu un avatar de David (contre Goliath).
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C’était en 1996. Engagée au bluff dans un cabinet d’avocat, Erin Brockovich avait enquêté sur les rachats successifs de maisons de la petite ville d’Hinkley en Californie par la Pacific Gas & Electric Company (PG&E), et révélé un scandale de santé publique. En cause, le chrome 6, un anticorrosif ultratoxique utilisé par PG&E, qui avait contaminé les réservoirs d’eau potable alimentant la ville, et provoqué chez les habitants de très graves problèmes de santé – dont beaucoup de cancers.
Réunis en class action par l’obstinée Erin, les 660 plaignants avaient obtenu de PG&E 333 millions de dollars – un record pour ce genre d’affaire – dont deux millions pour Erin Brockovich. Beau happy end, même si les sommes perçues se réduisaient finalement à 300 000 dollars par personne en moyenne. Un homme avait seulement reçu 50 000 dollars après dix-sept tumeurs à la gorge. Et certains s’étaient même retournés contre le cabinet d’avocats qui employait Erin. Le film ne s’embarrassait pas de ces détails, on s’en doutait : à Hinkley, la réalité n’est pas tout à fait celle de Hollywood.
Le chrome 6 menace à nouveau les habitants
Quatorze ans plus tard, voilà que pour les habitants de cette petite ville perdue au milieu de bases militaires dans le désert de Mojave, le cauchemar recommence. Le chrome 6 a été découvert dans un courant d’eau migrant au-delà du périmètre de sécurité délimité par PG&E, menaçant à nouveau les habitants.
Les Stone, un couple arrivé à Hinkley après la première affaire, a bu pendant des années l’eau du robinet sans méfiance et regardé ses enfants plonger dans la piscine remplie d’une eau infectée par le produit chimique cancérigène : en trois ans, le taux a augmenté de 700% – pas assez pour PG&E, qui a refusé de racheter leur maison à moins que la concentration de chrome 6 n’augmente encore plus.
Roberta Walker faisait partie des bénéficiaires de l’accord passé avec PG&E en 1996. Elle avait racheté avec une partie de ses dédommagements une maison à des kilomètres de la zone contaminée.
« L’eau testée était pure, claire, et propre, déclarait-elle au Los Angeles Times. Il y a maintenant un flot d’eau empoisonnée qui se dirige vers moi, comme une malédiction. »
Alors Roberta Walker a rappelé Erin Brockovich, toujours sur le coup même si moins « seule contre tous » qu’avant. Après avoir enchaîné conférences, livres, et shows télévisés, Erin est maintenant très riche, et présidente de sa société de consulting sur l’environnement. « Erin m’a dit de ne pas m’inquiéter. Elle a dit qu’elle allait s’occuper de moi. » La revoilà.
Au Los Angeles Times, Erin a promis qu’elle serait bientôt de retour pour « aider et encourager les gens à en parler, pour frapper à toutes les portes, et examiner les résultats des tests de l’eau et du sol. Ensuite nous déciderons comment procéder ».
PG&E a mis à disposition des habitants des bouteilles d’eau minérale gratuites. Mais ils pourraient avoir à faire beaucoup plus. Les anciens plaignants, qui avaient signé un contrat leur interdisant de revenir sur leur accord avec PG&E, étudient leurs possibilités. Les autres songent déjà à se regrouper en class action. C’est parti pour « Erin Brockovich, Redux ».
Valentine Faure
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