Cette friche boisée et sablonneuse accueille des centaines de migrants depuis la fermeture de Sangatte en novembre 2002. A la fin de la semaine prochaine, elle devrait être vidée de ses occupants et interdite d’accès. Un effet d’annonce ?
« Nous allons casser le principal outil de travail des filières clandestines dans la région », a déclaré Eric Besson sur TF1 le 16 septembre. Le ministre de l’immigration s’était engagé en avril à évacuer la « jungle » de Calais dans laquelle se réfugient des centaines de migrants, en majorité Afghans, depuis la fermeture de Sangatte. Le 16 septembre dans l’après-midi, Eric Besson avait réaffirmé sa décision dans un communiqué, en insistant sur le climat d’insécurité créé par la jungle.
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Le ministre cite des « comptes-rendus faisant état d’une forte hausse de la délinquance après plusieurs années d’accalmie ». « Les habitants de Calais subissent chaque jour des agressions », « les entreprises situées à proximité ne peuvent plus travailler normalement », écrit-t-il. Un jugement qui indigne Jacky Verhaegen, du Secours catholique à Calais. « Ah oui, j’ose plus sortir le soir ! », plaisante-t-il. « C’est la vieille rengaine du climat d’insécurité. » Pour lui, les tensions entre les migrants existent, mais rien à signaler contre les habitants.
Depuis la première annonce de fermeture en avril, les migrants de Calais se font moins nombreux. « Un squat ou campement est fermé chaque semaine », affirme le ministère. La jungle ne compterait plus que 250 habitants en ce moment, contre 700 à 800 avant l’été.
Fin juillet, un bruit a circulé : l’évacuation serait imminente, ce qui a accéléré les départs. Où sont partis les migrants ? Difficile à dire. Jacky Verhaegen ne peut que se faire l’écho des rumeurs de Calais : « Ils seraient partis en Norvège, et certains auraient réussi à passer en Angleterre. 100 à 150 pour la dernière quinzaine. C’est plus que d’habitude. Peut-être qu’il y a un peu de relâchement dans les contrôles… »
Une idée partagée par Vincent Lenoir, de l’association Salam. « La dernière semaine d’août le nombre de migrants sur place a commencé à chuter. On sait par certains d’entre eux, qui ont reçu des coups de téléphone d’Angleterre, que beaucoup sont passés. Ca nous a mis la puce à l’oreille, on s’est dit que les préparatifs de l’évacuation devaient commencer et les contrôles faiblir. Il est plus facile d’arrêter 200 personnes que 1000! »
Les associations craignent surtout que leurs efforts soient anéantis par cette mesure, qui va éparpiller les migrants aujourd’hui plus ou moins regroupés. Outre l’aspect « humanitaire » de leur mission –fournir de la nourriture, un minimum de confort sanitaire, des vêtements- les associations aident aux démarches administratives. France Terre d’Asile, le Haut commissariat aux réfugiés pour les demandes d’asile, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFI) pour les possibilités de retour au pays.
Nazenine Lajili, de l’OIM, ne désapprouve pas l’évacuation. « Il vaut mieux le faire avant l’hiver. Qu’on leur propose des solutions, pourquoi pas. » Elle doute toutefois de l’efficacité de la mesure pour décourager les candidats à l’Angleterre. « Je continuerai à aller sur le terrain et à faire la même chose qu’avant. On ne peut jamais prévoir : normalement en hiver il y a moins de monde, mais l’an dernier par exemple ils étaient très nombreux. »
Pour Vincent Lenoir, l’immigration clandestine est « un phénomène structurel, lié à la position de Calais. Il y a dix ans c’était les Kosovars, les Kurdes qui avaient fui la guerre du Golfe… Aujourd’hui les Afghans, les Iraniens. Le gouvernement ne prend pas la mesure du phénomène. »
L’ancien premier ministre Dominique de Villepin a qualifié la fermeture de la jungle « d’ effet d’annonce ». « Cela me rappelle quelque chose. Nicolas Sarkozy avait déjà fermé Sangatte. Donc on ferme la jungle. On aura sans doute le même résultat. »
De son côté, Jack Lang, député PS du Pas-de-Calais, tonne. « Que l’on veuille établir des conditions d’hygiène et de sécurité à Calais ou sur la côte oui, mais je ne comprends pas ce qui est engagé là : on va détruire les installations et ces personnes vont se retrouver encore plus démunies ». Il a proposé la mise en place d’un système « comparable au Samu social » pour aider les migrants de la région.
Bernard Kouchner, lui, défend la décision d’Eric Besson. « Se regrouper de cette façon extraordinairement malsaine d’un point de vue de l’hygiène et d’un point de vue de l’ordre public, ne peut pas être toléré sur notre territoire », a-t-il observé sur France-Info. « Ils veulent aller en Angleterre où ils pourront travailler. Avec nos amis anglais, nous tenterons de leur trouver une façon de revenir qui leur convienne. »
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