Co-lauréate du Prix HSBC pour la Photographie 2017, Mélanie Wenger a photographié pendant trois ans une petite mamie aux mille histoires, recluse au fin fond de la Bretagne. En ressort un travail documentaire bouleversant qui soulève de manière insoupçonnée un des grands enjeux de notre époque : la « post-vérité ».
Même sur les meilleures cartes, certains trésors ne figureront jamais. De retour d’un reportage au long cours sur la révolution libyenne, la photographe Mélanie Wenger part en vacances dans un coin paumé du Finistère. Là, perdue sur une route sans issue au milieu des monts d’Arrée, elle croise une petite vieille dame à qui elle demande son chemin. La mamie la renseigne puis lui demande : « Tu viens voir mes poupées ? » Mélanie Wenger accepte, et s’apprête alors à pénétrer dans un univers qu’elle ne quittera plus. Celui de Marie-Claude, 75 ans et plus de 50 passés isolée du reste du monde.
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Un univers fait de poupées, de mille babioles qui s’entassent et presque autant d’histoires surprenantes, qu’elle raconte à voix haute comme pour structurer et tenter de gérer comme elle peut une vie où la compagnie, le confort et la mémoire n’ont plus vraiment leur place.
Souvenirs ou cauchemars d’enfance
Ce jour d’avril 2014, la jeune photographe comprend de suite qu’elle est tombée sur une merveille. Cette maison, la lumière qui la traverse, la fantaisie rêche et rebelle de cette marginale qui nous ramènerait tous à des souvenirs ou des cauchemars d’enfant… Tout la fascine, la touche et la convainc qu’il faut revenir. C’est ainsi que débute trois années rythmées par les visites où Marie-Claude devient l’unique sujet d’un projet intime et d’une série documentaire qui tente d’atteindre son but ultime : réussir par l’image à narrer la réalité propre dans laquelle vit son personnage.
Post-réalité
Avec le personnage presque mythologique de Marie-Claude, Mélanie Wenger nous transporte alors de manière inattendue au plus près des questions métaphysiques qui traversent notre époque : celle de la post-vérité où les croyances personnelles tendent à prendre le pas sur l’objectivité des faits, et où la question de la signification n’a jamais été autant liée à celle de l’interprétation subjective et de la vraisemblance. Une époque où, comme avec les histoires et l’univers auto-construit de Marie-Claude, la question de la véracité n’a plus tellement d’importance face au pouvoir de l’émotion.
Après son entrée comme « mot de l’année » en 2016 au Dictionnaire Oxford et tous les débats qu’il a pu susciter ces deux dernières années, le terme de « post-vérité » était justement à l’honneur du prix HSBC pour la Photographie cette année. Dirigé par Christian Caujolle et avec pour conseillère artistique principale de cette édition la directrice de PHotoEspaña Maria Garcia Yelo, c’est de manière finalement très évidente que le travail sensible et bouleversant de Mélanie Wenger y a donc trouvé un écho particulier.
Aux côtés de la Britannique Laura Pannack, elle finit lauréate de cette 22e édition, avec à la clef une magnifique première monographie publiée chez Actes Sud et une exposition itinérante programmée sur toute l’année.
« Beauté, surréalisme, ébahissement et douleur : tous font partie intégrante des projets sélectionnés pour l’édition 2017 du Prix HSBC pour la Photographie. Leurs auteurs, à l’imagerie visuelle très riche, nous incitent à lire les significations multiples et superposées. Nous passons ainsi de l’étonnement à l’accablement, de la reconnaissance au désarroi. Et quand nous finissons par comprendre, une profonde mélancolie nous envahit. » Maria Garcia Yelo
Exposition itinérante :
– jusqu’au 10 juin à la Galerie Esther Woerdehoff à Paris
– du 17 juin au 30 septembre au Gallifet Art Center à Aix-en-Provence
– du 06 octobre au 04 novembre à la Maison de la Photographie à Toulon
– et du 10 novembre au 09 décembre à la Galerie Arrêt-sur-image à Bordeaux
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