Après la désignation de Mélenchon comme candidat du Front de gauche et l’invitation de Marine Le Pen dans la nouvelle émission politique « Des paroles et des actes » sur France 2, un sondage interroge. En cas de duel Le Pen/ Sarkozy, les votants du FG se prononceraient en majorité en faveur du FN. Porosité entre les deux électorats, vraie tendance ou intox ?
Selon un sondage* Harris Interactive1 donnant la victoire à Nicolas Sarkozy (63%) face à Marine Le Pen (37%), 64% des électeurs du Front de gauche décidés à voter au second tour le 6 mai 2012 se prononceront en faveur de la candidate de l’extrême droite.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
« Attention, précise Jean-Daniel Lévy, directeur du département Opinion & Corporate chez Harris Interactive, ça ne signifie pas que 64% des électeurs du Front de gauche voteront Marine Le Pen au second tour, mais que 64 % des électeurs du Front de gauche qui se déplaceront pour aller voter ce jour-là voteront Marine Le Pen. » Et d’ajouter : « Entre le premier et le second tour, il y a forcément des électeurs du Front de gauche qui ne se déplacent pas et c’est cette abstention qu’il est difficile de mesurer pour le moment. »
Une fois cette précaution posée pour tenir compte de l’abstention ou du vote nul au second tour, Pascal Perrineau, politologue, identifie un phénomène de « gaucholepénisme » : « Une partie des électeurs qui se disent de gauche votent FN car ils s’y retrouvent socialement et culturellement. Ce phénomène n’est pas nouveau. L’électorat de gauche pouvait avoir un certain tropisme pour Jean-Marie Le Pen, perçu comme un vecteur de protestation sociale, mais ça s’est renforcé avec Marine Le Pen, étant donné le pilonnage qu’elle fait sur les thématiques de gauche » : références à l’intervention de l’Etat dans l’économie, à Jaurès, au protectionnisme.
« Si, évidemment, Jean-Luc Mélenchon n’est pas un Le Pen de gauche, il y a un style, une véhémence, un ton qui peuvent faciliter la création de passerelles entre des secteurs politiques qui semblent complètement opposés. A fortiori avec la crise qui a renforcé, dans certaines régions de France, la protestation et la colère », ajoute Pascal Perrineau.
Dès lors, un double phénomène explique que le score de Nicolas Sarkozy (63%) face à Marine Le Pen soit très loin des 82% de Jacques Chirac face à Jean-Marie Le Pen en 2002. Une évolution personnelle due au style Marine Le Pen qui suscite moins de rejet dans l’électorat, mais aussi une évolution politique : « Ce qu’elle dit entre en résonance avec ce qu’attend une partie des Français », analyse Pascal Perrineau. En particulier pour les classes populaires sur les questions du pouvoir d’achat et des inégalités. Le vote du Front de gauche pour le FN s’expliquerait aussi par la volonté d’exprimer une déception à l’égard du « système » et des personnalités politiques, à commencer par Nicolas Sarkozy.
Le secrétaire national du Parti de gauche se dit sceptique
Au Front de gauche, la réaction est d’abord de rejeter le sondage « réalisé un an à l’avance », et « qui voudrait imposer un scénario ». Avant d’accepter de le commenter.
« Outre l’abstention qui serait importante dans notre électorat entre le premier et le second tour, car je pense que beaucoup de nos électeurs s’abstiendraient, je suis sceptique sur le pourcentage aussi élevé de 64%, avance Eric Coquerel, secrétaire national du Parti de gauche, une des composantes du Front de gauche. Le socle du Front de gauche est assez politisé et connaît donc le FN… Mais il est clair que Marine Le Pen essaie de faire croire que le vote FN pourrait venir des classes populaires qui rejettent le système. Cela ne peut troubler un électorat qu’à la marge. »
Même constat pour Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF : « Il y a une attente de la gauche de la part des électeurs et en même temps un doute de la gauche à faire différemment de la droite. Dans cet entre-deux, bien entendu, le discours faussement antisystème de Marine Le Pen peut dévoyer des aspirations au changement. » Avant de conclure : « Nous allons nous battre sur le terrain des idées. »
Marion Mourgue
*Enquête réalisée du 3 au 5 juin 2011, auprès de 1 449 individus inscrits sur les listes électorales, à partir de l’access panel Harris Interactive. Publié dans Marianne le 11 juin 2011.
{"type":"Banniere-Basse"}