Lors d’un rassemblement en marge des Universités d’été du FN, Jean-Marie Le Pen a appelé sa fille à enterrer la hache de guerre. Entouré d’amis et de militants radicaux, le patriarche a annoncé la création d’une nouvelle formation, sur le modèle du Rassemblement Bleu Marine.
Le choc n’a pas encore eu lieu. Ce samedi 5 septembre, Jean-Marie Le Pen organisait en marge des universités du Front national, sa propre sauterie dans la pampa marseillaise. Dans un restaurant situé sur les hauteurs de la cité phocéenne près des Grottes Loubières, le patriarche avait donné rendez-vous à son dernier quarteron de fidèles pour un « déjeuner débat ». Alors que Marine Le Pen avait démis de leurs fonctions des membres du DPS (le service d’ordre historique du Front), plusieurs d’entre eux avaient choisi d’être présent auprès de Jean-Marie Le Pen pour assurer la sécurité de cet événement.
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Ce samedi en fin de matinée alors que des journalistes se pressaient devant la grille du parking, des CRS ont tenté de débloquer la voie pour que des voitures puissent continuer à circuler. « Je vous demande d’être adulte et responsable, déclare une policière. On tous a besoin de com’, c’est indéniable ». Ce lapsus involontaire révélait bien ce qui allait suivre.
Le Pen chante « Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux »
Après être rentré dans l’enceinte à l’intérieur d’une imposante Citroën C6, Jean-Marie Le Pen se dirige vers une salle de presse improvisée dans l’arrière cour de cet hôtel restaurant retapissé avec l’ancien flamme du FN (copie de celle du MSI italien dans les années 70) et des affiches le présentant tout sourire.
Commençant cette conférence de presse en chantant « Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux » de Trenet, l’octogénaire est apparu guilleret et n’a pas semblé vouloir (immédiatement) gâcher les universités d’été du FN. Il a d’ailleurs assez rapidement balayé l’idée d’une candidature dissidente lors des élections régionales de Provence-Alpes-Côte d’Azur. Alors que plusieurs anciens compagnons de route du Front l’incitaient à faire des « révélations fracassantes », le « Menhir » a joué la carte de la victimisation et de l’apaisement devant un parterre bondé de journalistes. « Il veille à ce que ses coups ne soient pas mortels », commentait un ami, assistant à son discours.
Comme pour ajouter un vernis politique à un différent qui demeure essentiellement personnel, Jean-Marie Le Pen a parlé de l’urgence d’une réconciliation familiale alors que le « pays est bientôt au bord de la guerre civile » et du « déferlement migratoire ». Même s’il a laissé plané le suspens sur sa volonté de s’inviter ou non aux universités d’été du FN, le président d’honneur du FN a joué les conciliateurs. « Je me souviens d’une affiche de Marine : ‘Unis, les Français sont invincibles’, elle doit s’en rappeler », a confié le patriarche. Puis l’enfant de La Trinité-sur-Mer d’ajouter : « Vous savez, je suis marin d’origine, je sais qu’aux coups de tabac succède toujours des périodes d’accalmie. Je sais que les tempêtes ne sont jamais définitives ». Pourtant selon nos informations, plusieurs tentatives de conciliation entre Marine Le Pen et son père ont eu lieu cette semaine notamment par l’entremise de Louis Aliot. Elles ont toutes échoué.
Un ancien condamné à mort et un néofasciste parmi les convives
Parmi les 300 convives (plutôt agés) qui ont répondu à l’appel du « vieux », on trouvait de nombreux nostalgiques de l’extrême droite historique. Ray-Ban bleu sur le nez et flamme d’honneur épinglé au veston, André Troise, fait partie de ceux là.
Ancien capitaine de l’armée française, condamné à mort pour avoir rallié l’OAS, distribuait des tracts jaunes à ses camarades sur lesquels on pouvait lire en lettres capitales : « Abjection, honte, mépris, sur les minus habens du néo-FN déviationniste, mariniste, philippotiste, collariste ». Tenant un discours totalement homophobe, cet ex élu FN qui a quitté le parti dans les années 90 a justifié ses critiques contre Marine Le Pen en dénonçant « son entourage de mignons qui l’influence ». Avant d’ajouter goguenard : « Nous, on préfère les mignonnes ». Se vantant d’avoir régulièrement Jean-Marie Le Pen au téléphone, Troise a déclaré qu’il était là pour convaincre le patriarche de créer une « Force nationale lepéniste (FNL) pour faire face aux Judas tueurs ».
Non loin de là, un autre personnage affiche un profil loin d’être « marino-compatible ». Avec sa coupe de cheveux rappelant Robert De Niro dans Taxi Driver, Olivier Bianciotto est loin de passer inaperçu. Cet homme qui revendique d’être responsable du Parti de la France de Carl Lang (ex-numéro 3 frontiste) dans les Bouches-du-Rhône, est surtout connu pour être l’un des dirigeants du Mouvement Populaire Nouvelle Aurore (MPNA). En septembre 2014, il avait défrayé la chronique en profanant à Marseille, la statue du responsable de la FTP MOI Missak Manouchian.
« On liquide le Front historique à coups de pelle »
Des conseillers régionaux de la région PACA ayant claqué la porte du parti en dénonçant une « direction digne d’un gouvernement nord-coréen », avaient également fait le déplacement. Hubert de Mesmay a ainsi déchiré sa carte devant des journalistes en dénonçant les « déviationnistes » à la tête du FN actuel. Tandis que son collègue Sébastien Copin a dénoncé une « purge » : « Dérrière Jean-Marie Le Pen, des dizaines de cadres historiques sont écartés dans un total anonymat. On liquide le Front historique à coup de pelle ».
Dans la queue, des invités plus modérés attendant fébrilement qu’on leur ouvre les portes du restaurant. Beaucoup espéraient des « explications » du patriarche. « Ce que je ne peux pas tolérer c’est qu’une fille poignarde son père comme ça, commente André, 67 ans qui souhaite la tenue d’un nouveau congrès. Nous avons tous de l’affection pour Jean-Marie Le Pen. Même s’il est parfois un peu provoc’, ce n’était pas nécessaire de l’humilier comme ça ». Non loin de là, Christophe, 38 ans, critique quant à lui la réorientation idéologique du FN mariniste : « Je n’ai pas adhéré au FN pour le programme social de Philippot et la défense de la retraite à 60 ans. De la même manière, je ne comprends toujours pas la décision de Marine Le Pen de n’avoir pas participé à la Manif pour tous ». A ses cotés, Ludovic est plus fataliste : « En cas de qualification de Marine Le Pen pour le second tour de la présidentielle, même les derniers irréductibles finiront par voter pour elle ».
Une heure plus tard, alors que Florian Philippot entrait sur la scène du Palais des congrès de Marseille avec une gestuelle très « jean-mariniste » puisqu’il a effectué un V de la victoire avec ses bras, Jean-Marie Le Pen annonçait le lancement d’un courant à l’intérieur du Front national. Son nom ? Le rassemblement bleu-blanc-rouge. Le feuilleton continue…
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